Groupe de manifestants

LA TAUPINIÈRE DE SAINT CHARLES A RENDU L'ÂME (avril-mai 1994)

Le terril pourrait être éteint le 1er juillet 1994

« Á la vitesse actuelle, l'évacuation des schistes pourrait encore durer trois mois pour parvenir à l'extinction totale. Le procédé d'extinction actuellement engagé par les services de la direction de l'aménagement et des transports du département (DATD) permet d'évacuer 600 m3 de schiste par jour. La masse totale de schiste à évacuer est estimée à 30.000 et 7.000 l'a déjà été depuis le début des travaux, le 18 mars. A ce rythme-là on peut en déduire que le terril sera totalement éteint le 1er juillet. Ces prévisions restent cependant aléatoires. Sur la question des délais, Jean-Louis Guerriero, le patron de la DATD est d'une prudence de sioux. »

Le facteur temps. « La technique employée consiste donc a gratter de petites quantités du schiste en combustion et de l'étendre afin de l'arroser durant une journée. Des prélèvements sont alors réalisés aux fins d'analyses. « Le schiste n'est pas évacué sans que l'on connaisse ce qu'il contient, notamment en zinc », insiste M. Guerriero. Il est ensuite transporté à la température d'environ 200° jusqu'à l'endroit de stockage prévu à Roye. Le chargement et l'évacuation s'effectuent donc un jour sur deux. Une fois sur place, le schiste est à nouveau arrosé. « Nous sommes contraints de prendre en compte le facteur temps en raison de l'inertie thermique explique, le directeur de la DATD. Nous avons relevé des températures parfois supérieures à 1.000°C au cœur du foyer. II faut donc que les matériaux prennent le temps de se refroidir; nous ne pouvons prendre le risque de transporter le feu jusqu'à Roye ».

Protection des ouvriers. « D'autre part le va et vient des camions fonctionne sans interruption puisque l'exploitation du schiste noir, non brulé, se poursuit. Au total, 60.000 m3 de schiste noir et rouge seront extraits. Concernant la sécurité des personnels qui travaillent sur le terril, un dispositif d'alerte concernant le monoxyde carbone, le fameux CO, devrait être mis en place dans les engins. Les conducteurs d'engins, qui travaillent en rotation, auront aussi à disposition une réserve d'air à leur disposition. « Des prises de sang ont été effectuées sur le personnel qui avait travaillé au terrassement de la tranchée en octobre. Elles n'ont révélé aucune anomalie », selon M. Guerriero. » (ER-14/04/1994)

Début des travaux Terril en combustion La tranchée pare-feu

Le terril aplani

« Lundi 18 avril après-midi, l'intervention d'un de ces fameux bulldozers de la GTM est venue modifier le site où continue de bruler ce qui reste du terril, près de l'ancienne Maglum. Après avoir aménagé un passage sur la « montagne en feu », l'engin de terrassement a aplani le sommet en poussant les schistes fumants. La hauteur du remblai a été réduite de moitié. Cette opération a pour but de faciliter le refroidissement des déchets miniers et autres par arrosage continuel et d'apporter les garanties de sécurité aux personnels de la STPI, chargés de l'enlèvement du crassier. Dans cinq à six semaines, il ne restera plus grand-chose du terril empoisonné. » (ER-20/04/1994)

Début des travaux Terril en combustion La tranchée pare-feu

Antoine Waechter sur le terril de Ronchamp

« Le responsable écologiste est venu prendre livraison du dossier... fumant et l'étudier in situ. Il y a le paradis, tout en haut, avec Notre-Dame de Ronchamp, blanche sous le ciel pur, et l'enfer, le crassier et ses fumerolles toxiques, en bas évidemment. Antoine Waechter n'était pas venu seulement contempler le dantesque spectacle, hier entre 17 et 18 h. Il a d'ailleurs perdu de sa force depuis que la noria de camions a enlevé plus de la moitié du terril... pour en faire du remblai sur la déviation Lyoffans-Lure. Le responsable des Verts est arrivé de Mulhouse à l'invitation du comité d'action Ronchamp-Champagney pour l'extinction du terril, et de Danielle Olivier-Koehret, porte-parole nationale de Génération Écologie, et luxovienne. « Les gens ici, sont inquiets pour leur santé et leur environnement. Ils se sentent isolés par les politiques qui ne les soutiennent pas. Je suis aussi venu en voisin ». II n'y aurait pas de problème si les schistes enflammés répandaient une fumée sans danger. Mais tel n'est pas le cas selon les écologistes. « Des métaux lourds ont été déversés sur le crassier pendant des années, des polymères également » note la porte-parole de GÉ. « La partie la plus polluée a été enlevée avant qu'on ne fasse toutes les analyses. Aujourd'hui, on déplace le problème sur la déviation de Lyoffans. Les polluants risquent de se répandre dans la nappe phréatique autour de Lure, alors qu'ici au moins, ce danger-là était écarté ». Antoine Waechter écoute, enregistre en faisant le tour du site, accompagné de nombreux habitants riverains qui lui parlent aussi de leur santé, des badges que les enfants n'ont pas reçu pour savoir s'ils absorbent par l'air du phénol et du formol, de l'opération école morte... »»

Dépolluer sous la pression « L'autorité politique ne débloque les fonds, toujours considérables pour dépolluer, que sous la pression de la population » remarque Antoine Waechter qui appelle à la vigilance, tout en avouant qu'il n'est pas lui même technicien. « II est tout de même curieux d'utiliser des matériaux qui ne sont manifestement pas inertes, qui s'enflamment et peuvent être toxiques. D'ailleurs, est-ce bien légal? » Les camions enlèvent le poussier depuis le 18 mars. Il ne leur faudra plus longtemps pour déblayer le reste. Les Verts pensent déjà à un autre combat, le puits Arthur, le plus profond de la région, près de Ronchamp, que le propriétaire du terril, M. Vialis souhaiterait utiliser pour y déverser du sable de fonderie... Mais ce dossier n'est pas encore prêt. Le comité d'action a remis à Antoine Waechter avant son départ celui du terril, suffisamment épais déjà pour suffire à sa peine ! » (ER-23/04/1994-Guillaume MAZEAUD)

Antoine Waechter Antoine Waechter et Danielle Olivier-Koehret Le terril fumant

Terril : nouvelles analyses

« Les capteurs et analyseurs automatiques continuent de débiter leurs mesures de dioxyde de soufre, de monoxyde d'azote et de dioxyde d'azote effectuées dans l'atmosphère, au Plain, à vue directe du terril en ignition, sous vent dominant d'ouest. Les mesures qui sont parvenues en mairie de Champagney le 25 avril concernent la période qui va du mercredi 23 mars au jeudi 21 avril inclus.
DIOXYDE DE SOUFRE : (valeur moyenne guide de 100 à 150 microgrammes par 24h (taux à ne pas dépasser : 350 microgrammes/24 h), toutes mesures devant être prises pour que ce taux ne soit pas dépassé durant 3 jours consécutifs. Durant la période considérée, le taux maximum a été atteint mercredi 23 mars (temps nuageux à pluvieux, vent d'ouest) et le taux minimum le dimanche 27 mars avec 11,3 microgrammes.
DIOXYDE D'AZOTE : valeur moyenne guide de 135 microgrammes par 24h, valeur limite de 200 par 24h. Le taux maximum a été atteint le mardi 19 avril avec 17 microgrammes (temps pluvieux, vent de N/NE), taux minimum samedi 9 avril avec 1,8 microgrammes. En dehors de ces extrêmes, valeur moyenne aux environs de 9 microgrammes.
Pour le monoxyde d'azote, le taux maximum relevé l'a été le jeudi 7 avril avec une moyenne de 8,2 microgrammes au m3 et le taux minimum le mercredi 23 mars (0,1 au m3).

Quant aux poussières relevées sur des capteurs spéciaux déposés durant 5 jours - dont un weekend - leur taux est de (en ordre décroissant) : 21,3g au m3 au collège de Champagney, capteur placé au bord de la rue de Bermont ; 18g à la gendarmerie de Champagney ; 15,9g entre RN 19 et rue Victor-Hugo à la Piotnaz ; 15,3g chez M. Menetrey (maison en face de l'usine ex-Maglum) ; 11,1 au camping des Ballastières ; 8,7g rue du Plain à vue directe du terril et 8,4g à l'école de la Houillère. La norme NFx 43007 considère que la zone est fortement polluée pour une valeur dépassant les 30g au m3 par mois. Quant aux travaux sur le terril, ils avancent à grands pas avec deux bulldozers à chenilles et une pelleteuse. Les estimations optimistes parlent maintenant de trois semaines avant disparition complète de la partie en feu. Pas comme cet habitant de Champagney (famille de 4 enfants demeurant non loin du centre). Il a acquis une caravane et, depuis dimanche matin, a choisi de vivre à l'air pur au camping de Melisey. » (Le Pays-28/04/1994-FP)

Terril : derniers jours

« Cela fera un an exactement que le 9 juin notre journal en appelait à l'opinion publique, signalant les risques encourus par l'incendie d'un terril vers l'ancienne usine Maglum. A l'époque cette information n'alarmait personne. Et pourtant, depuis le mois de septembre, que d'encre, que de salive ont coulé. Comme le fait remarquer le maire de Champagney, Gérard Poivey, « c'est à croire qu'il n'y avait pas que des intentions écologiques dans l'utilisation de l'opinion publique dans cette affaire de terril. Toujours est-il que depuis l'arrivée du nouveau sous-préfet, toujours selon Gérard Poivey, les affaires ont été menées rondement. La solution d'extinction qui a fait ses preuves dans d'autres sinistres du même genre a été imposée « parce qu'elle a fait justement ses preuves, parce qu'elle s'est montrée la plus sure et la moins couteuse ». Une ou deux pelleteuses, un bulldozer, des camions et la partie en feu, isolée du reste du remblai, a été étendue, enlevée. Á certains moments, cela représentait du travail pour 25 personnes à la fois, toutes entreprises locales de terrassement ou de transport confondues. Ces efforts qui ont provoqué poussière et fumées trouveront bientôt leur fin. II est probable qu'à la fin de cette semaine le terril en ignition ne sera plus qu'un souvenir pour Ronchamp, Champagney et les médias régionaux. Restera à la place une superficie de plusieurs hectares parfaitement surfacée est du remblai de choix pour soubassement des travaux routiers de Lyoffans et de Frahier. » (Le Pays-18/05/1994-FP)

Le terril c'est fini

« Deux mois à peine après le début des travaux d'extraction le 25 mars dernier, le « terril en feu » a disparu. L'opération s'est achevée jeudi soir, après l'accélération de la cadence d'enlèvement préconisée au préfet par M. Guerriero, de la Direction départementale de l'aménagement et des transports. Ce délai de deux mois est le temps de préparation que proposaient d'autres solutions. Il permet au département de solder l'affaire, a priori sans risque pour la population. Devant le site rendu à son état primitif, M. Guerriero fit part de son soulagement de voir la mission menée à bien et l'opération achevée sans accident. Le directeur de la DAT a tenu à souligner le travail réalisé à l'époque par M. Bourniquez. 25.000 mètres cubes de schistes rouges sur les 28.000 (la différence est dûe à la combustion du charbon) sont stockés à Roye. Le matériau, refroidi et inerte, sera utilisé de façon revalorisée. Á cette exploitation de schistes rouges s'est ajoutée celle du schiste noir, soit 30.000 m3 représentant le coût de cette opération. Ces schistes sont destinés à aménager la déviation de Lyoffans. Jusqu'à présent, 27.000 m3 sont enlevés, il reste 3.000 m3, ce qui fera une semaine de travail. Ce qui ne sera pas sorti d'ici le vendredi 27 mai sera laissé, précise M. Guerriero, décidé à tourner définitivement la page de cette affaire du terril en feu, qui aura duré un an. » (ER-18/05/1994)

Ronchamp respire !

« Le terril a disparu. La vire a retrouvé son air pur. Mais les associations continuent à tousser. L'air est enfin devenu respirable à Ronchamp et Champagney. Depuis un an, les fumées nauséabondes ne cessaient d'empester l'atmosphère et d'inquiéter la population. Aujourd'hui, le grand terril polluant n'existe plus. Il a fallut deux mois aux engins diligentés par la direction de l'aménagement et des transports du département de Haute-Saône (DATD) pour évacuer le schiste en combustion qui a provoqué tant d'émotion dans la vallée du Rahin. Depuis vendredi 20 à 17 h 10, selon le rapport de gendarmerie, il faut désormais parler de cette affaire à l'imparfait. « Notre contrat est rempli », commente Jean-Louis Guerriero, directeur de la DATD. « L'évacuation des schistes a pu s'effectuer dans les délais, y compris avec un effet d'accélération vers la fin ». Pour le sous-préfet de Lure, Cyrille Chassagnard, le dossier est clos et ne mérite pas plus de commentaire. »

Le retour de l'air pur. « Toutefois, cette affaire exemplaire à plus d'un titre aura déchainé les passions durant de longs mois. L'association Vosges Saônoises Vivantes (VSV) s'est rapidement mobilisée, relayée par les autres associations de protection de la nature, la Commission permanente des eaux, et Haute-Saône nature environnement. Un comité d'action des habitants de Ronchamp et Champagney s'est même constitué au plus fort de la bataille avec le propriétaire du site et les pouvoirs publics. Plusieurs manifestations ont eu lieu dans les ruées pour demander l'extinction du terril. De nombreuses réunions publiques attirant des centaines de personnes se sont tenues à Ronchamp. La sous-préfecture a aussi mis en place une sorte de cellule de crise pour endiguer le phénomène de combustion tout autant que l'émotion suscitée par l'affaire. Le terril haut-saônois a même déclenché une enquête nationale pour recenser les sites du même type et la méthode d'extinction fera sans doute école. Pendant plusieurs semaines, les experts consultés dans la France entière avaient répondu : « On ne sait pas éteindre un terril en combustion ».

Les associations restent vigilantes. « Aujourd'hui, chacun se réjouit du retour d'un air à peu près pur à Ronchamp. La chapelle de Le Corbusier pourra continuer à resplendir dans un ciel limpide. La saison touristique est sauvée. « Mais il n'est pas question de baisser les bras », explique Madeleine Szczodrowski, présidente de VSV. « II y a tout de même ce que les gens ont respiré durant presque un an. Et surtout durant les dernières semaines. On ne sait pas quelles conséquences cela aura sur la santé ». Dans une récente lettre ouverte au préfet, la présidente ajoute que le problème de la pollution n'a été que « transporté ». Le schiste du terril a en effet été transporté à quelques kilomètres de là pour servir de remblai pour la déviation de Lyoffans. « Lorsque l'État lui-même transgresse les lois qu'il a édictées et que la justice s'abstient de poursuivre certains pollueurs, les défenseurs de l'environnement ont du souci à se faire », conclut-elle. Il reste enfin sur le site un important stock enfoui de polymères, vestiges de l'activité de l'ancienne usine qui fabriquait des accoudoirs de voiture. Un arrêté préfectoral avait été pris le 8 novembre dernier afin d'obliger le propriétaire à l'évacuer. Le dossier reste donc ouvert pour les associations. La population, quant à elle, retrouve des couleurs. Avec la résolution de l'affaire Somero, autre dossier empoisonnant, le climat devrait enfin devenir respirable à Ronchamp ». (ER-27/05/1994-Didier FOHR)

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