Fumerolles

LES 3200 CHEVAUX DES SCRAPERS AU CHARBON (novembre 1993)

Tous les moyens sont en œuvre pour arrêter la propagation du feu

« Les scrapers au charbon.La noria des énormes engins de terrassement a repris hier matin (mardi) sur le crassier de la Maglum à Ronchamp. Préfet et sous-préfet, en tête, ont joué aux alpinistes. Une tranchée pare-feu de 5 m, un mur incliné à 30° menant au reste du crassier isolé du terril en flammes, voici les dernières nouveautés d'un dossier dont on ne cesse de parler depuis quinze jours. Heureusement, la Toussaint a glissé un voile de vacances pour les « abonnés » du terril que nous sommes.

PLUS INCOGNITO. Le préfet Paul Roncière et le sous-préfet Jacques Michaut se sont rendus pour la première fois sur le terril, incognito, dimanche 24 octobre. Hier matin ils présidaient la délégation des services de l'état. Ils ont même rencontré le propriétaire des lieux, M. Vialis.

MINISTRE ALERTÉ. Bruno Bolognési, premier adjoint au maire de Ronchamp a fait connaitre le dernier courrier de son « patron » le député Jean-Pierre Michel. Celui-ci venait juste d'écrire à Michel Barnier, ministre de l'environnement, pour lui dresser un rapide portrait de la situation. « Des informations contradictoires, écrit-il, circulent sur les risques potentiels compte tenu des dépôts et rejets industriels qui ont affecté le site industriel par le passé. Sans nier le caractère excessif et parfois alarmiste de certains propos, il convient, à mon sens, de prendre toute la mesure de ce sinistre ». C'est pourquoi il prie le ministre « de diligenter rapidement une mission d'expertise nationale sur le site en vue d'établir un diagnostic précis ». Le Ministre a répondu le 28 décembre: lettre Barnier

VSV ABSENTES. L'association Vosges Saônoises Vivantes n'a pas ménagé sa peine pour faire connaitre le dossier et accélérer son avancement en vue d'une solution. Curieusement l'association n'était pas présente hier au cours de la visite « officielle ». On se demande bien pourquoi. 3200 CV Au total ce sont trois bulldozers et quatre scrapers qui ont investi le site, trois bulls à 600 CV chacun et quatre scrapers à 350CV chacun. Soit 3200 CV vapeur au grand galop.

BANQUIER. Qui paye ? La question a encore été posée puisqu'il s'agit d'un terrain privé ; un protocole d'accord a été signé entre le propriétaire M. Vialis et le département ; celui-ci se porte acquéreur des schistes en échange du prêt de matériel. Pour l'instant le département joue le rôle de banquier avec le souci de savoir comment il pourra récupérer ses schistes et comment il pourra valoriser le terril qui brule. Actuellement une tonne de schistes noirs se négocie entre 5 et 7 F. Les rouges sont plus chers. « Normal » à Ronchamp.

Á LA PELLE. Ce matin une pelleteuse géante extraira les schistes du second foyer, au-delà de la tranchée coupe-feu, en direction du nord-ouest. Il s'agira de la rejeter sur le terril actuellement en combustion, afin de préserver le reste du crassier (9 ha).

SOUS-SOL. La psychose du terril s'est développée à Ronchamp. Elle s'est accrue depuis la mise au jour, lors du creusement de la déviation du Rahin, de fûts et produits toxiques. C'est d'ailleurs ce sous-sol qui préoccupe plus les Ronchampois que le terril en lui-même, qualifié de « sain » par les experts.

SURVOL. Il a été question de survoler le terril et d'effectuer des relevés infrarouges pour localiser le foyer. Face au montant de la facture (100 000 F) l'idée est restée lettre morte.

URGENCES. La première urgence reste l'extinction du feu, la seconde demeure l'évacuation des produits toxiques. La direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) planche sur le dossier.

RÉSEAUX D'ALERTE. Une permanence d'analyse de gaz carbonique a été mise en place ; de même qu'une liaison de la direction des affaires sanitaires avec les médecins du secteur et des hôpitaux environnants. Pas de pathologies confirmées et pas de danger pour le gaz carbonique. En fait de CO2, celui des automobiles traversant quotidiennement Ronchamp est beaucoup plus grave que celui du terril. Avis de préfet.

CROÛTE ? Vendredi dernier il a été question de protéger le talus du nouveau crassier inerte d'une couche d'argile. Le projet est très couteux, et le département n'a pas voulu engager de dépenses supplémentaires.

HEUREUX POISSONS. Des analyses sont effectuées dans le Rabin par la société de pèche. La dernière date de jeudi 28 octobre. Résultat : les poissons barbotent avec bonheur.

ENORME. Chaque jour 8000 m3 de schistes sont enlevés par les engins des Grands Travaux de Marseille pour réaliser le talus descendant à la tranchée pare-feu ; dans trois jours tout sera fini ; soit 32 000 m3 retournés. » (Le Pays-03/11/1993-Gérard BLAISE)

Les autorités départementales en visite

Les travaux d'isolement du terril en feu ont repris ce mardi dans un ballet symphonique au son des 3200 chevaux-vapeur des engins de la GTM. En ouverture, on eu droit à la visite des autorités départementales ; le préfet de Haute-Saône, Paul Roncière ; le sous-préfet Jacques Michaut, le maire de Ronchamp, Jean-Marie Maire, le lieutenant-colonel du groupement de gendarmerie de Haute-Saône, Jean-Marie Brangard, le directeur de I'aménagement et des transports du département M. Guerriero. Au total ce sont près de 40 personnes qui ont arpenté les lieux en jouant les alpinistes. Les ingénieurs de la DRIRE étaient également sur le chantier pour y mener des études de températures, étant entendu que toute excavation serait arrêtée si elles dépassaient les 35°C. Les émanations de gaz entre autres carboniques constituent des conditions de travail pénibles pour les conducteurs d'engins qui sont relativement exposés aux fumées. Deux sapeurs-pompiers ont été placés en permanence sur le site par le centre de secours de Lure.

Á partir du 3 novembre des pompiers du DDSIS 70 vont faire des analyses journalières de l'air dans plusieurs secteurs de Ronchamp-Champagney ; rue de l'industrie à proximité du terril, Ronchamp centre face à la Mairie, parking du magasin Champion (aujourd'hui Carrefour), la rue du Plain en direction de Champagney et le hameau de la Houillère. Ces analyses portent sur le monoxyde de carbone, le nox (oxydes d'azote ou vapeurs nitreuses) et le dioxyde de soufre. Toutes les valeurs sont très en dessous des valeurs de risque. Voir le fichier des relevés du 3 au 10 novembre 1993 au format PDF : rapportpollution01.

Retirer tous les déchets du site

« Enfin les autorités ont aussi décidé de préparer la suite du dossier. C'est à dire de veiller à ce que les fûts et les produits enterrés soient déménagés du site de l'ancienne usine. « Lorsque l'usine en elle-même a été débarrassée des produits toxiques au début de l'année, nous croyions que le dossier était définitivement fermé, explique Je préfet. La population est plus inquiète de ce qui est enterré que de ce qui brule. Tout cela a été fait avant la loi de 1976 sur l'environnement. Aujourd'hui, le réveil est difficile ! » Ainsi un arrêté préfectoral - mesure originale - devrait être pris cette semaine pour inciter M. Vialis à extraire tous les déchets enterrés. C'est la seconde urgence décrétée par l'administration. Les services de la DRIRE sont chargés du suivi de cette affaire. Pour l'heure, la ronde des experts se poursuit. La tranchée sera réalisée avant la fin de la semaine. La mobilisation de toutes les administrations concernées a été lente mais elle est aujourd'hui bien réelle. » (Est Républicain-03/11/1993-Didier FOHR)

Les autorités administratives Pierre Vialis au centre Le Préfet

Cessez-le-feu!

« Les hostilités ne sont pas closes à Ronchamp autour du terril en fusion ; si les engins ont achevé leur combat de tranchée, l'association Vosges saônoises vivantes appelle à une journée ville morte, vendredi, à Ronchamp et à Champagney. Le feu couve à nouveau autour du terril ; si les travaux d'isolement du foyer ont bien été achevés hier soir dans les délais impartis, la colère des riverains et des associations écologiques n'a pas cessé pour autant. Elle est illustrée d'abord par un panneau placé récemment au carrefour de la rue du Stade ; on peut y lire l'injonction des riverains pour que cesse la pollution et pour qu'on éteigne le feu le plus rapidement possible. Par contre, on se demande pourquoi on ne trouve pas de panneau similaire à l'autre entrée de Ronchamp, le long de la RN 19. Sans doute que les fumées ne parviennent pas jusque là?

Ensuite cette colère se concrétise par la diffusion d'un tract appelant les riverains au rassemblement ; on peut y lire que « Depuis six mois que brule le terril, le feu atteint successivement des zones polluées ou non, ce qui explique des différences notables d'odeurs, l'apparition ou la disparition par exemple de vapeurs nitreuses, et des résultats d'analyses rassurants, tantôt inquiétants. Plusieurs interventions mal conduites, ont augmenté au fur et à mesure le volume exposé à bruler et les récents travaux l'ont une nouvelle fois accru de façon considérable. Nous avons des raisons de craindre que ce nouvel apport venu de la zone toute proche où ont eu lieu des déversements Intensifs de boues d'épuration et de produits toxiques divers, présente quelques dangers supplémentaires. Quoi qu'Il en soit, par mesure de prudence et surtout pour mettre un terme a une pollution olfactive insupportable l'extinction rapide de l'incendie est indispensable. Si aucune mesure n'est prise, les fumées empoisonneront notre vie quotidienne pendant un temps qui peut être long » Dans un autre courrier, adresse au maire de Champagney, on peut lire cette fois-ci qu'en « vue d'obtenir l'extinction totale du feu, le même collectif d'habitants va mettre en place, pour le vendredi 12 novembre une opération ville-morte sur les deux communes de Ronchamp et Champagney ». Est-ce à dire que Vosges Saônoises Vivantes ont baissé les bras ? Non car si la manifestation se fera « à l'initiative du collectif, et sous sa responsabilité l'association Vosges Saônoises y apportera contribution et soutien », glissant au passage que « les élus auront tout le loisir d'y participer ». Cette opération ville morte doit se caractériser par la fermeture des commerces et la fermeture des volets des maisons des particuliers. Le rassemblement populaire aura lieu devant la poste à 14 h.

Champagney pas exclue. S'appuyant sur des propos du maire de Champagney — non sollicité pour signer la pétition de 1700 signatures -- rapportés dans notre édition du 27 octobre, la présidente de Vosges saônoises vivantes apporte quelques précisions : « VSV, dit-elle, n'a jamais revendiqué la paternité de la pétition, celle-ci établie sur papier libre ne porte pas le logo de notre association, elle émane d'un collectif d'habitants des deux communes auquel nous avons, a sa demande, apporté notre aide, et qui nous a ensuite confié le soin de la remettre pour une large part à la collecte des signatures et de nombreuses autres personnes — certaines inconnues de nous — se sont partagé la tache dans les différents quartiers. Rien ne nous autorise à penser qu'elles aient volontairement omis de vous rencontrer. Nous n'avons pas donné, et nous n'avions pas à le faire, la moindre directive, pas plus celle de faire signer le conseil municipal de Ronchamp que celle d'éviter les élus de Champagney ». Rendez-vous donc vendredi à 14 h devant la poste pour voir s'ils sont là ou non. En tout cas ils ont encore rendez-vous après, vers 16 h, avec le sous-préfet de Lure, M. Jacques Michaut, qui fera le point sur la fin des travaux enregistrée hier. En une semaine six engins ont évacué 8000 m3 de schistes par jour, ils ont isolé le premier foyer et le second par une tranchée de quelque 7 m qui a rejoint le sol originel naturel. Reste en suspens l'évacuation des produits toxiques enfouis. Hier soir le préfet Roncière devait rencontrer le propriétaire du site, M. Vialis à ce sujet et pour discuter des modalités d'application de l'arrêté de mise en demeure d'évacuation. » (Le Pays-10/11/1993-Gérard BLAISE)

Le terril et la tranchée

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