Manifestation

OPÉRATION RONCHAMP VILLE MORTE CONTRE LE TERRIL EN FEU (novembre 1993)

Deux cents personnes ont défilé dans la rue en réclamant un « cessez-le-feu »

« On en a marre d'être pris pour une quantité négligeable. On voudrait enfin pouvoir respirer librement à Ronchamp. On n'est pas dans la rue pour tout casser mais tout simplement pour se faire entendre. II y a des moments où il faut en passer par là ». Il est aujourd'hui heureux d'être entouré par deux cent personnes dans les rues de sa ville, ce petit monsieur de Ronchamp. Il tenait à ce que le mouvement de colère des habitants soit remarqué. « Je ne fais partie d'aucune association et je ne suis pas politique. Mais j'en ai assez de glisser des serpillères sous mes fenêtres pour que l'odeur du terril ne rentre pas. Elle finit pas être insupportable ». La manifestation organisée par le collectif d'habitants a donc été bien suivie par les habitants de Champagney et de Ronchamp. Tant par le nombre de personnes comptées derrière les banderoles qu'au vu des vitrines éteintes et des magasins clos. La presque totalité des commerçants ont souscrit au mot d'ordre de l'opération ville-morte. Y compris quelques banquiers de Ronchamp qui ont fermé leur agence au passage du cortège pour s'y joindre ! Dans le calme, les manifestants ont emprunté la nationale 19 pour traverser leur bourg jusqu'à l'école. Un itinéraire « bis » était prévu par les gendarmes pour détourner la circulation. »

Analyses contestées.« Que font les pouvoirs publics? », « Rendez-nous notre air », « Toxique », « Alte au feu, faites payer le pollueur ! », les slogans ont le mérite d'être directs. Madeleine Szczodrowski, présidente de l'association Vosges-Saônoises vivantes prend le micro. « Dans les différents arrêtés préfectoraux, il n'est pas question de faire éteindre le feu. Le préfet demande toujours à M. Vialis de bien vouloir nettoyer le site. Nous voulons que les pouvoirs publics le fassent à sa place et lui donnent la facture ». « Nous contestons les analyses d'air qui sont faites jusqu'à présent, ajoute quelqu'un. Celles qui sont affichées parlent de valeurs nitreuses alors qu'il s'agit de mesurer les vapeurs nitreuses. Ce n'est pas sérieux ». Une dame raconte ses souvenirs de la Maglum lorsqu'elle y travaillait. « Les fûts sont toujours enterrés. Moi, je sais ce que c'est les polymères. Les ouvriers ne tenaient pas deux mois lorsqu'on les envoyaient aux mousses ». Une pharmacienne déifiait aussi pour exprimer son inquiétude : « Je ne peux pas me prononcer sur une recrudescence de maladies: mais ça ne sent pas seulement le charbon qui brule. Tant qu'on ne disposera pas d'analyses précises, on ne sait pas ce que l'on respire ».

Propos alarmistes. « Un jour il faudra évacuer la ville, s'écrie au micro Claude Ridard. Á l'usine Maglum, il y a un transformateur au pyralène qui n'a pas de protection. Et aujourd'hui il y a le terril. Nous devons rester mobilisés ». Danielle Olivier-Koheret était présente dans les rangs au nom de Haute-Saône nature environnement aux côté de M. Ronzani de Territoire de Belfort nature environnement. « Si les associatifs ne sont pas écoutés, nous feront intervenir le politique » a-t-elle expliqué. D'ailleurs Brice Lalonde pourrait faire un crochet par le terril de Ronchamp lors de sa venue en Haute-Saône le 19 novembre. Enfin l'absence des élus de Ronchamp et de Champagney a été fortement remarquée par leurs administrés. Á 17 h, les représentants des associations et des habitants avaient rendez-vous en sous-préfecture pour faire le point de la situation. (Est Républicain-12/11/1993-Didier FOHR)

Pas près de s'éteindre

«Dans six mois, dans un an ? Personne ne sait quand cessera le foyer du terril en fusion de Ronchamp. En attendant le propriétaire doit procéder aux analyses et à l'évacuation des déchets enfouis. Après la manifestation publique de rue, vendredi après-midi (voir notre édition d'hier) les représentants d'associations écologiques ont rejoint les responsables des diverses administrations à la sous-préfecture de Lure pour une 10e réunion au cours de laquelle ont été présentés les derniers bilans. Depuis le mois de mars un terril d'un hectare brule dans l'ancienne usine Maglum : au terme de quinze jours de chantier, quatre scrapers et deux bulls ont isolé le terril du reste du crassier (10 hectares) pour éviter la propagation du foyer à l'aide d'une tranchée pare-feu de 7 m de large. Bien aéré, le foyer est encore plus actif, ce qui est bon signe d'après les anciens mineurs. Certains parient sur une fin de la combustion dans six mois, d'autres dans un an minimum. Seule certitude : en l'état actuel du dossier et des technologies, on ne sait pas éteindre un tel phénomène. Quatre sociétés (ineris, Houillères de Lorraine, MBT-Suisse et SARP-Dijon qui a retiré les fûts toxiques de la Maglum) travaillent actuellement sur le sujet pour tenter de trouver une solution, laquelle déboucherait, sans doute, sur un procédé à breveter. Point commun, rappelé par le sous-préfet de Lure vendredi soir : « tranchée, analyses de l'air et dégagement des produits toxiques enfouis à proximité sont les trois prescriptions retenues par ces experts » qui estiment, par ailleurs, « l'extinction peu facile à réaliser ». Certains d'entre eux envisagent de travailler sur le brulage des gaz qui s'échappent du terril, mais à condition, exige encore le sous-préfet Jacques Michaut, que le terril ne serve pas de cobaye à expériences. Toutefois il a exigé de ces organismes « une obligation de résultats et une réalisation qui soit économiquement réalisable ». Auquel cas il appartiendrait au propriétaire exploitant du site de la mettre en œuvre. « Il ne faut pas se cacher, a conclu M. Michaut, que cela pose d'énormes problèmes ».

« Au cours des travaux d'isolement du terril, « aucune matière toxique n'a été exhumée du site » ont affirmé les chefs de chantier encadrés par une équipe de pompiers de permanence sur les lieux. Des prises de sang régulières ont été pratiquées sur les chauffeurs des engins opérant un jour sur deux et aucune anomalie n'a été décelée. Reste la peur des riverains, consécutivement à la mise au jour de fûts et de mousses enfouis du temps de la Maglum. Le propriétaire des lieux, la société civile immobilière « Le Rahin » domiciliée à Bellefontaine dans les Vosges et présidée par l'épouse de M. Vialis, dispose encore de trois jours pour faire procéder par un organisme agréé à l'examen de la situation atmosphérique autour du terril. Cet examen porte sur la recherche et la quantification des poussières, du monoxyde de carbone, du dioxyde de soufre, d'hydrogène sulfuré, d'acide cyanhydrique, de plomb, de phénols, d'hydrocarbures totaux et d'oxyde d'azote. Et ce n'est pas tout : un arrêté précédent (8 novembre) l'oblige à des relevés de température, à isoler la partie incandescente (c'est fait) et à protéger la partie inerte d'une couche d'argile de 60 cm d'épaisseur. Il devra également faire évacuer dans une installation dument autorisée, après détermination de l'étendue du stockage, tous les produits enfouis contenant des polymères, rebuts de l'ancienne usine. Enfin, sous deux mois, le propriétaire doit faire déterminer par un organisme agréé l'étendue des terrains souillés par les résiduel aqueux de traitement de surface de l'ancienne Maglum. L'étude doit être commandée dans un délai de quinze jours. » (Le Pays-12.11/1993-Gérard BLAISE)

Les portes des magasins de Ronchamp et Champagney étaient bien fermées

« Moment de répit pour les poumons ronchampois, hier en début d'après-midi, mais pas pour les poumons champagnerots : les effluves étaient « saines » à Ronchamp et carbonées dans le chef-lieu de canton. Autrement dit ce n'était pas la bise qui soufflait. En cas de vent d'est les odeurs du terril en feu de l'ancienne Maglum stagnent au-dessus de Ronchamp ; avec le vent d'ouest c'est Champagney qui « trinque ». Quoi qu'il en soit, ce n'est agréable pour personne. Hier après-midi les Dieux étaient avec les manifestants, quelque 150 à 200 personnes venues dire leur « ras-le-bol » du terril en feu dont elles attendent l'extinction dans les délais les plus brefs. Á l'appel du collectif des riverains, d'associations écologiques (Haute-Saône nature environnement, Vosges saônoises vivantes, la Commission de protection des eaux soutenues par le renfort belfortain de Territoire Belfort nature environnement) les commerçants de la cité minière, poursuivie en la circonstance par son histoire, étaient invités à baisser le rideau de leur magasin de 14 h à 16 h en signe de protestation. »

Pas de risques supplémentaires.« Commerces, services, banques, tout était clos en début d'après-midi. Ces mêmes commerçants, banquiers en tête, ont constitué le gros des troupes. Le cortège s'est rassemblé devant la poste où la présidente de Vosges saônoises vivantes, Mme Madeleine Szczodrowski a rappelé brièvement l'état du dossier et le projet d'arrêté que devait lui soumettre le sous-préfet de Lure en fin d'après-midi : « les analyses du sous-sol n'ont jamais été faites par le propriétaire M. Vialis », devait notamment déclarer la présidente de VSV, « et on n'en sait pas davantage sur les polymères enfouis. De même que dans le projet d'arrêté d'aujourd'hui il n'est pas du tout question d'extinction du foyer ! » Il est vrai, par ailleurs que M. Paquette, spécialiste des incendies de terril à la société Ineris dépendant des Charbonnages de France, est venu sur le site vendredi dernier et qu'il a avoué son impuissance face au phénomène. De son côté la présidente de VSV a pris contact avec la société Sicli (les extincteurs) qui disposerait de mousses... expérimentales. Ni le sous-préfet Michaut, ni le maire de Ronchamp, M. Jean-Marie Maire, ne veulent d'expérimentation sur le terril. « Le dossier est suffisamment grave comme cela, disent-ils en chœur, sans qu'on y ajoute des risques supplémentaires incontrôlables… » « Toujours à propos du projet d'arrêté Mme Szczodrowski a regretté que la DRIRE n'ait pas retenu l'idée du survol aérien du terril à des fins de photographies infrarouges destinées à localiser le — ou les — foyer dont on dit qu'il serait surmonté d'une énorme poche de gaz... Membre de Haute-Saône nature environnement, Mme Danièle Olivier-Koehret (Génération Écologie) a apporté son soutien physique aux Ronchampois hier ; elle a félicité les associations « qui ont fait du très bon boulot » en souhaitant que « l'État fasse pareil ».

Bloquer les taxes locales?« Dans le cas contraire elle est prête à donner au dossier « le poids politique qu'il faut ». Au cours du weekend prochain, Brice Lalonde, chargé de mission dans l'actuel gouvernement, se rendra en Haute-Saône (Luxeuil) pour débattre du GATT. Rien ne dit encore s'il se rendra sur le terril ou non. Rangé derrière des banderoles « halte au feu » ou « faire payer le pollueur » (M Vialis) les manifestants ont défilé silencieusement de la poste à la rue du Stade ; par instants, ils ont bloqué la circulation symboliquement tandis que les brigades de gendarmerie de Ronchamp et Champagney assuraient les déviations aux avant-postes. S'il n'y a pas eu de slogans vociférés de-ci de-là, il y eu une prise de position d'un commerçant, M. Ridard, pour constater, au micro, que « ceux qui clament qu'Il n'y pas de danger ne sont pat là ». Á l'exception du maire de Plancher-Bas, M. Germain on n'a pas noté la présence d'élus ronchampois ou champagnerots. D'aucuns ont vivement critiqué l'absence des maires des deux localités. Plus vindicatif M. Ridard a ensuite exhorté les Ronchampois à manifester contre la présence du dernier transformateur à pyralène de Ronchamp en « ne réglant pas leurs taxes locales l'an prochain mais à les laisser a la Caisse de dépôts et de consignations en guise en protestation ». L'argent ? Le nerf de la guerre dans cette affaire. Après la manifestation, achevée peu après 15 h. certaines personnes se sont rendues au terril afin de se rendre compte de l'état des travaux : les derniers vingt mètres de tranchée pare-feu ont été réalisés avec une précaution toute particulière dans la mesure où cette partie recouvrait des conduites d'assainissement. Assainissement ? Drôle de nom pour un terril. » (Le Pays-13/11/93-Gérard BLAISE)

Manifestation Manifestation Manifestants

Cure de boue

« Conformément aux décisions auxquelles il était soumis par arrêté préfectoral, en date du 8 novembre dernier, le propriétaire des schistes de l'ex Maglum, M. Pierre Vialis, a fait exécuter les travaux. Cette opération consistait à protéger la partie du talus de schistes jouxtant les anciens bâtiments de la Maglum, partie où aucune émanation de fumée n'a été constatée. Elle est désormais recouverte d'une couche de matériaux inertes et imperméables - de la glaise en l'occurrence - d'une épaisseur au moins égale à 60 cm, le talus devant avoir une pente naturelle de 30°. Mardi les travaux ont été exécutés. Le terril, quant à lui, continue de se consumer. »(Le Pays-18/11/1993-G. Blaise)

Le terril et la tranchée

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