La taupinière

DÉCLARATIONS, RUMEURS ET MISE AU POINT SUR LE TERRIL EN FEU (mars-avril 1994)

Terril: les questions de VSV

« L'affaire du terril aura été révoltante d'un bout à l'autre ». Ainsi s'exprime Mme Madeleine Szczodrowski, présidente de Vosges saônoises vivantes, dans un courrier adressé au préfet en date de mercredi. En préambule, elle attaque l'administration pour sa lenteur « à prendre à temps les mesures nécessaires » et pour « les documents jamais communiqués, notamment ceux de I'APAVE » avant de contester le choix d'extinction du terril. « Repoussant celle qui ne présentait aucun danger pour la santé humaine et pour l'environnement, écrit-elle, vous avez choisi la plus dangereuse, la plus nocive pour nous, celle qui nous empoisonnera le plus longtemps et qui ira plus loin empoisonner les autres. Parce qu'elle ne coûte rien, cela au vu d'un rapport d'experts, les mêmes qui, en automne 93, disaient exactement le contraire de ce qu'ils avancent aujourd'hui. Plus elle se demande pourquoi on n'a pas appliqué cette mesure six mois plus tôt afin de ne pas exposer « des riverains à des gaz toxiques dont la présence authentifiée par des analyses est reconnue aujourd'hui par la DDASS et dont certains ont des effets cancérigènes avérés ». En troisième lieu, Mme Szczodrowski relève que « les engagements oraux du 18 mars n'ont pas été respectés » à savoir que « les schistes chauds ne devaient pas être enlevés avant que la DDASS et la DRIRE aient posé des appareils de mesure des gaz ». Mme Szczodrowski affirme ensuite que « des camions de schistes fumants partent sans arrêt depuis plusieurs jours, dont certains en direction de Belfort. Où vont ces derniers, s'interroge-t-elle, sur quels sites sont déversés ces schistes dont la DATD reconnait elle-même qu'ils sont pollués au moins par le zinc. La partie la plus polluée a été emportée la première. Déposée où? demande encore la présidente de VSV... » Bulletin d'information de VSV du 21 mars 1994: bulletin

Terril : le sous-préfet « rétablit la vérité »

« Devant les déclarations plus ou moins fantaisistes et passionnelles entendues ici ou là, sans parler des rumeurs multiples et infondées qui circulent, il importe de rétablir la vérité et de faire le point sur l'état d'avancement des travaux ». Le sous-préfet de Lure a décidé de mettre les points sur les «i». « Faut-il rappeler que le choix de la solution technique retenue a été opéré après avis unanime d'un comité d'experts nationaux, enchaine Cyrille Chassagnard qui était encore hier après-midi sur le site. Les pouvoirs publics et l'entreprise responsable du chantier s'entourent évidemment du maximum de précautions afin que l'opération soit réalisée dans les conditions les meilleures, notamment à l'égard de la population environnante, le but étant l'extinction rapide du terril et la suppression des nuisances qu'il crée ». Après l'aménagement d'une plate-forme de travail, l'enlèvement des schistes rouges a commencé le 18 février et se poursuit actuellement « dans des conditions satisfaisantes» assure le représentant de l'État. Á ce jour, 3.000 m3 environ ont été évacués, soit dix pour cent du total. Selon le sous-préfet, «l'opération ne présente pas, sur le plan technique, de difficultés particulières. La qualité et la température des matériaux extraits sont très différentes selon les zones. Les matériaux sont arrosés lorsque leurs caractéristiques le justifient ». M. Chassagnard ajoute : « toutes précautions continuent bien entendu d'être prises tant au niveau du chantier qu'en ce qui concerne la surveillance de l'air et la qualité des matériaux évacués ». « Les informations à ce sujet sont également affichées en mairie et la DDASS est chargée, en liaison avec la commission locale de santé publique, du suivi de l'état sanitaire de la population explique Cyrille Chassagnard. L'objectif est clair : mettre un terme au plus vite aux nuisances nées de la combustion de ce terril, si possible avant l'été ». (ER-26/03/1994)

Terril : les médecins sur l'expectative

« Quatre praticiens et un pharmacien parlent de « risques de problèmes graves si la pollution se prolonge ». Nouvelle prise de position hier de l'association Vosges-Saônoises Vivantes (VSV) et du comité d'action. Les associations étaient accompagnées cette fois de quatre médecins généralistes locaux et d'un pharmacien. Leurs avis sont tout à fait concordants concernant l'effet des fumées sur la population. « Les gens se plaignent de troubles ORL heureusement minimes pour l'instant, explique le docteur Jean-Claude Aubert. La pollution est chronique mais lente. Reste à déterminer le risque d'une exposition à plus ou moins long terme. Le plus préoccupant est la teneur en HPA (hydrocarbures polycycliques aromatiques) et en phénols qui sont deux substances cancérigènes. Le système d'extinction choisi est sans doute une bonne solution technique mais pas médicale puisque la mise en mouvement des schistes aggravera la pollution ». « Nous avons beaucoup de cas de maux de têtes, de pathologies irritatives, confirme à son tour le docteur Jean-Marc Brilland. La grande majorité des patients se traitent eux-mêmes ». Une information confirmée par le pharmacien de Ronchamp, M. Gerber, qui a constaté une nette augmentation de l'automédication. »

Témoignages. « Une dame vient témoigner et parle péniblement : « Je suis passée en voiture le 22 février à Ronchamp. J'ai été prise d'une sérieuse crise d'asthme alors que je n'avais aucun antécédent. Depuis, je n'ai toujours pas retrouvé ma voix. Mon médecin m'a établi un certificat médical attestant que cette crise était due à une pollution ». Le comité d'action et VSV fait alors état de 120 lettres signées de personnes témoignant de diverses affections, gastroentérites, maux de têtes, troubles d'ordre ophtalmologiques, asthmes, bronchites... Le docteur Amat relate pour sa part le cas de sa propre fille atteinte de vomissement et d'inflammation des muqueuses. « Le tableau était impressionnant mais le lendemain tout était terminé. Lorsque cette crise s'est déclenchée, le brouillard était très épais sur Ronchamp. Cela montre bien le rapport de cause à effet entre les conditions atmosphériques et les répercussions sur la santé de la population ».

Des analyses contestées. « Madeleine Szczodrowski, la présidente de VSV, insiste en réfutant la technique d'extinction actuellement en place qui « est d'avantage assimilée à un procédé d'exploitation des schistes ». Elle demande instamment qu'une protection maximale des ouvriers qui travaillent sur le chantier soit mise en place ainsi qu'un dispositif pour réduire les fumées. D'autre part les moyens d'analyse déployés sur le territoire des communes de Ronchamp et Champagney sont jugés insuffisants et inopérants par les médecins présents et les responsables associatifs. VSV demande enfin que le processus d'extinction engagé soit interrompu si les mesures dépassent les limites admises ». « Il y a un symptôme encore plus mauvais pour la santé, conclue le docteur Brilland, c'est l'angoisse!» (ER-27/03/1994)

Réunions de docteurs Enlèvement des schistes

Terril : « Les pouvoirs publics nous cachent la vérité »

« Avec comme toile de fond les volutes de fumées chargées de gaz et de poussières qui sortent du brasier ouvert du terril, une recrudescence de troubles maladifs inquiète le corps médical et suscite la colère des riverains du terril en feu. Le comité d'action Ronchamp-Champagney dont l'objectif était d'obtenir l'extinction du terril a provoqué une réunion d'information mardi soir, à la salle des fêtes, suivie par près d'une centaine de personnes des deux cités. Pascal Rolin et Florent Prevost ont fait le point de la situation et des problèmes de santé engendrés par ce terril, sur lequel repose, à leur avis, « une chape de plomb sur les analyses ». Selon les membres du comité, le préfet leur aurait promis de l'informer préalablement à tout projet d'extinction alors que des travaux d'extraction étaient mis en place à leur insu, depuis trois semaines, « avec précipitation et sans garanties pour la santé publique ». Seul, un état de mesures de pollution atmosphérique a été diffusé par la DDASS, le 6 avril. « Et cela au regard des capteurs (12) de poussières dont l'action dans le temps semble avoir été volontairement réduite à trois jours au lieu de cinq jours d'exploitation ». En raison des vents d'ouest persistants, le collège est particulièrement exposé à la pollution. »

Après les lapins les carpes ? « La pluie aidant, une couche de poussières recouvre le plan d'eau de la ballastière située tout près du terril, où une centaine de carpes flottent le ventre en l'air. Pour Freddy Massinger, cette mortalité exceptionnelle est due à la pollution du terril, pour André Brocard, garde de pêche, il s'agit d'un phénomène saisonnier ; des analyses sont en cours, confiées à la fédération. Pour Madeleine Szczodrowski, « le silence sur les analyses est imposé aux services préfectoraux, par le préfet. Les pouvoirs publics cachent la vérité sur les dangers du terril. On n'est soutenu ni par le préfet, ni par la justice, nos plaintes, souligna la présidente de Vosges-Saônoises-Vivantes, restent sans suite ».

Agir. « Selon le comité, les problèmes de pollution du terril sont transportés à Lyoffans et Andornay. « On ne se couchera pas devant les camions » a-t-on entendu. « Les séquelles de maladies dues, notamment aux hydrocarbures aliphatiques aromatiques à l'origine de cancers doivent être portées par les malades, à la connaissance des assurances, seules habilitées à mener une action contre les pouvoirs publics ». « Il faut agir contre la manipulation des analyses », a ajouté M. Fady. Et de conclure : « malade ou pas », dans deux mois, le terril aura disparu ; il retiendra l'expérience vécue ensemble. Mais déjà, un autre site est menacé, celui du puits Arthur où M. Vialis, encore lui envisage de créer un dépôt de sables de fonderie, contre lequel VSV va se mobiliser ». (ER-14/04/1994)

RETOUR MENU
Copyright © 2009 Réalisation : Alain Banach Tous droits réservés Plan du site