DE LA PROVENCE À LA HAUTE SAÔNE |
OBJECTIF : LA TROUÉE DE BELFORT |
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Entre le 5 et le 25 septembre, la deuxième vague de l'armée française aux ordres du général Béthouart débarque à son tour et va rejoindre les unités de la première vague. Le 25 septembre, jour de la fermeture de la dernière plage, près de 325.000 hommes, environ 68.000 véhicules, et plus de 490.000 tonnes de ravitaillement ont été débarqués. Pour le Général De Lattre, après la reddition de Marseille et de Toulon, il s'agit d'obtenir pour l'Armée B une place de choix dans le dispositif allié. Il redoute que ses troupes soient cantonnées dans des missions subalternes qui laisseraient aux Américains le privilège de s'ouvrir la route de l'Alsace et d'atteindre le Rhin les premiers. L'ordre du Général Patch daté du 24 août le confirme dans cette inquiétude ; l'armée B devait achever la conquête de Toulon et Marseille pour y maintenir des garnisons et se tenir prête pour relever les troupes américaines dans les Alpes. Mais De Lattre force le destin en envoyant une reconnaissance à l'Ouest du Rhône avec des éléments de la 1ère DB, de la 1ère DFL et du 2e RSA. Le 30, un pont sur le Rhône est lancé à Avignon. Entre temps le Général Patch fait paraitre l'ordre de mission N°4 qui marque l'ouverture de la « phase européenne » des combats qui ne satisfait pas le Général de Lattre. Il obtiendra une rectification, une précision et une modification de cet ordre. Maintenant les troupes françaises vont prendre une part décisive à la poursuite de l'armée allemande. Le dispositif adopté est le suivant : à l'Ouest le groupement Du Vigier remonte la rive droite du Rhône, à l'Est la 3e DIA, la 2e DIM et un peu plus tard le 9e DIC. Toutes ces unités devant se réunir à l'Est de la Saône. Au centre de l'éventail le 6e Corps américain avance sur Lyon par la N.7 et la route Napoléon. Le Général de Lattre veut absolument que Lyon, capitale de la Résistance, accueille l'Armée Française avant l'Armée Américaine et cette mission est confiée au Général Brosset. Le 3 septembre, il entre à Lyon à la tête du 1er RFM et ce sont les bataillons d'infanterie qui prennent en charge le maintien de l'ordre suite aux exactions commises par certaines bandes plus ou moins organisées et autonomes qui procèdent arbitrairement à des épurations. C'est aussi à Lyon que Brosset reçoit sa 3e étoile de général de division. Au printemps 1944, des Maquis de la région de Saône et Loire se regroupent pour former le Bataillon du Charollais avec les Compagnies de Saint-Igny, de Charolles, de la Clayette, de Beaubery, de Matour. Début septembre, il est incorporé à la 1ere Armée Française où il est affecté à le ire DB du Général du Vigier. Il est rattaché au "Combat Command" N°2 (CC2) sous les ordres du colonel Kientz. Ce bataillon prendra une part très active dans les combats de la libération du secteur de Ronchamp et des villages au Sud et à l'Ouest. Il a beaucoup de difficultés à suivre le CC2 magnifiquement équipé car il ne possède que des véhicules hétéroclites fonctionnant au bois, à l'essence, au gasoil et même au charbon de bois. |
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Pour tous les chefs de la VIIe Armée, la trouée de Belfort et le Rhin exercent une véritable fascination. C'est aussi un des soucis de De Lattre. Il donne l'ordre à ses deux C.A. de « pousser vers le Rhin en exploitant à fond en direction des trouées de Saverne et de Belfort », de part et d'autre du 6e corps US. À l'aile droite, la 2e DIM relève les troupes américaines depuis fin août. La poursuite de l'ennemi incombe alors à la 3e DIA et plus tard à la 9e DIC. Pendant les premières journées de septembre une avance fulgurante est effectuée en direction du Doubs : le 3, Lons-le-Saunier, Champagnole et Morteau sont libérés. Des groupes de combat de la lle Panzer réagissent brutalement et arrêtent la poursuite. En face, la 3e DIA se maintient au sud du Doubs entre Clerval et Porrentruy. Besançon est libéré le 7 en fin de journée et l'avance vers la Haute-Saône se poursuit péniblement. Le 6, le fort du Lomont est occupé par les alliés et constitue un observatoire de premier choix sur la plaine de Montbéliard. À l'ouest de la Saône les combats sont acharnés : Chalon-sur-Saône le 5, Chagny le 6 et Beaune le 7. La 1ère DB concentre ses efforts sur Dijon. Le Général du Vigier tente alors un débordement par l'ouest avec un détachement composé d'un peloton de chasseurs de chars, du Bataillon de Choc et d'un escadron du 2e Spahis. Il atteint le canal de Bourgogne et la route Dijon-Paris. Dans la nuit du 10 au 11 septembre les Allemands se retirent et c'est la triomphale entrée de la 1ère DB dans la capitale bourguignonne. Dans la matinée du 12 septembre, une cinquantaine d'hommes de la 2e DB de Leclerc arrive dans le petit village de Nod-sur-Seine et en milieu d'après-midi, ce sont ceux de la 1ère DFL du Général Brosset. Ce petit village deviendra le point symbolique de la jonction de l'opération « Overlord » et « Dragoon ». La 1ère DB, précédée du 2e RSA poursuit sa marche vers le Nord en direction du plateau de Langres. Le 13 septembre dans la soirée, le drapeau blanc est hissé sur la citadelle. En même temps, le dispositif allié est profondément remanié. L'armée B de De Lattre devient autonome et prend le nom de 1ère Armée Française. De nouvelles instructions du général Patch du 14 septembre prévoient le regroupement de toutes les forces françaises devant la trouée de Belfort, tandis que le 6e Corps US est dirigé vers Luxeuil-Remiremont. À partir du 20 septembre toutes les forces alliées (Overlord et Dragoon) marquent un temps d'arrêt, parce que les ravitaillements de toute nature, indispensables à des actions puissantes, ne parvenaient plus aux troupes en quantité suffisante. Les stratèges américains avaient prévus la prise de Toulon à J+ 20, Marseille à J + 40 et Lyon-Chalon-Mâcon à J+ 90 (c'est-à-dire le 15 novembre !). Entre le 6 et 20 septembre, la 19e Armée Allemande du Général Wiese a pu en partie échapper à l'encerclement et à la destruction totale. Elle se réfugie dans une zone (entre la Trouée de Belfort et le Rhin) où elle trouve des dépôts de munitions et d'essence abondamment pourvus et des renforts venus de l'Est. Le bilan de cette première phase de course-poursuite était largement positif : l'ennemi avait perdu des milliers d'hommes, près de 100.000 prisonniers et un matériel considérable a été saisi. |
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Du 15 au 20 septembre, le 2e CA du Général Monsabert vient prendre place face à la trouée de Belfort. À sa droite le 1er CA du Général Béthouart est déployé entre le Doubs et la frontière suisse. Le 16 septembre Lure est libérée par les troupes américaines. Le 18 septembre, Saint-Germain, Froideterre et Roye sont libérés, le 19 c'est Faucogney et le 20 c'est au tour de Malbouhans, Melisey. Le théâtre des opérations se rapproche avec la libération du village de la Côte. Du 20 au 22 septembre, les opérations sur le front du 2e CA n'ont qu'un objectif : préciser le contact avec l'adversaire pour mieux préparer les futures attaques. La 1ère DFL du Général Brosset, partant de la route Lure - Isle-sur-le-Doubs, ne fait pas plus de 3 à 4 kilomètres avant de se heurter à une ligne de résistance continue, protégée sur tous les itinéraires, par des abattis et de grosses quantités de mines. Ses unités sont éparpillées depuis Lyon jusqu'à Dijon et ne se déplacent que par à-coups, au rythme des ravitaillements en carburant. Certains bataillons d'infanterie sont obligés de faire des étapes à pied pour se rapprocher des lieux de destination. Plus au Nord, la 1ère DB du Général du Vigier est également bloquée au-delà de Melisey, sur la route du Thillot. Dès le 23 septembre la ligne de feu se stabilise sur le front du 2e CA et la 1ère DFL s'étire sur un front de 25 kilomètres où 7 bataillons sont presque alignés au coude à coude. Seul le BM 24 est provisoirement en réserve à Lyon. Les troupes au contact reçoivent l'ordre de s'enterrer sur place et de se limiter à des actions de patrouilles. La résistance opposée à la 1ère DFL et à la 1ère DB montre la rapidité avec laquelle le Général Wiese a réussi à organiser une position défensive solide et bien organisée. Il a remis de l'ordre dans les grandes unités rescapées de sa longue retraite et utilise au mieux les nombreux renforts accourus d'Allemagne. Les caprices de la météo vont donner un nouveau visage à la guerre. Le soleil provençal a fait place à une pluie froide qui tombe sans arrêt, noyant les chemins, les bois, les prairies. Les hommes pataugent dans la boue sans pouvoir se sécher. Les vêtements de rechange sont encore dans les bagages, sur les plages de Provence ! Les hommes en tenue d'été grelotent avec, pour toute protection, un simple imperméable léger et une toile de tente. Les tirailleurs sénégalais souffrent tout particulièrement du temps. Ils ont froid et souffrent d'engelures et leur comportement au combat s'en ressent. On envisage déjà de les remplacer avant l'hiver. Dans sa chevauchée, la 1ère DFL ouvre des bureaux de recrutement à Nîmes, Lyon, Autun, Chalon-sur-Saône, Besançon. Ils fournissent un nombre très appréciable d'engagés volontaires où chaque unité, à son initiative, emmenait et incorporait sans formalité tous ceux qui voulait la suivre ». La division reçoit des renforts issus des maquis FFI. Des compagnies entières permettent d'étoffer un peu le dispositif de la 1ère DFL. Cependant ces nouvelles recrues ne disposent que d'un armement hétéroclite, souvent pris à l'ennemi et surtout elles ne possèdent aucun véhicule. Avant de reprendre l'offensive il est nécessaire de rétablir les communications et de réorganiser les arrières pour constituer des stocks important de carburant et de munitions. Dès le 25 septembre, le 6e CA américain s'engage en direction de Gérardmer, ce qui oblige le Général Monsabert, à la demande de son chef le Général Américain Truscott, de couvrir le flan Sud en attaquant en direction de Melisey-Le Thillot. Le Général De Lattre l'autorise à laisser un CC de la 1ère DB qui sera appuyé par la 1ère DFL contre le village de Lyoffans, au Sud de la RN 19. |
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EN ATTENDANT LA LIBÉRATION |
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À la mi-aout les troupes alliées approchent de Paris et les lourds camions camouflés de la Wehrmacht évacuent les archives et le matériel. Le 17 août peu avant minuit, à l'Hôtel Matignon, un convoi de limousines noires se forme ; c'est le « transfert » de Pierre Laval et des ministres ordonné par Hitler. Pierre Laval et sa femme prennent place à l'arrière de sa grosse Delahaye blindée. Derrière dans une Packard noire également blindée, ce sont ses gardes du corps. Plus loin dans d'autres voitures : celles des ministres qui ont choisis d'accompagner Laval, celles des SS (Schutzstaffel) et de la Gestapo (Geheime Staatspolizei) de l'escorte. À 23 h 30 le convoi s'ébranle en direction de l'Est et le 18, vers 13 heures, il arrive à Belfort. Le 7 septembre, Laval débarque au château de Sigmaringen dans le Bade-Wurtemberg sur le Danube. Le 21 aout, un autre long convoi précédé de motards et venant de Vichy, traverse Ronchamp et roule en direction de Belfort. Dans la dernière limousine noire, fanion tricolore au vent, un homme est assis à l'arrière en compagnie d'officier ; c'est Pétain. Des témoins l'ont aperçu au Ban de Champagney. Il est emmené à Belfort par les Allemands en compagnie de nombreux dignitaires de son régime avant d'être transféré le 24 aout au château de Morvillars. Le 7 septembre, au petit matin, c'est le départ pour Mulhouse, Saint-Louis, Fribourg-en-Brisgau, où le convoi s'arrête pour la nuit. Le 8 au matin, le convoi file en direction de Sigmaringen par la Forêt-Noire. Un grand château, propriété de la famille des Hohenzollern mais réquisitionné par les nazis, devient le siège du gouvernement en exil du régime de Vichy. Le 4 septembre c'est une colonne de la milice française (police supplétive de la Gestapo) qui s'arrête à Champagney. Les miliciens composés d'une centaine d'individus armés se montrent menaçants et patrouillent juchés sur les ailes de leur voiture. Ils seront des milliers à fuir vers l'Allemagne devant l'avancée des troupes alliées et françaises. Depuis le Moyen Âge, le 8 septembre est le jour de pèlerinage sur la colline en l'honneur de la Vierge Marie. Mais pour celui-ci, ils sont peu nombreux et dès la fin de la messe tout le monde se dépêche de partir avant midi. On entend la canonnade des pièces de l'artillerie allemande qui protègent le repli des troupes. Le « Pas de Ronchamp » et la trouée de Belfort sont un passage incontournable vers l'Alsace et le Rhin. La guerre se rapproche au cours des jours suivants. Sur la colline les quelques habitants se terrent, demeurant là aux risques et périls des combats. L'abbé Besançon, curé de Ronchamp, vient avec Lucien Boisset, séminariste, récupérer le Saint Sacrement à la chapelle.De la fin aout à la mi-septembre ce sont des convois allemands interminables qui empruntent la RN19. Ils sont régulièrement mitraillés par l'aviation alliée et les bords de routes sont jonchés de véhicules. Tous les moyens sont bons pour se déplacer : véhicules de tout modèle, chevaux, carrioles, calèches, vélos, etc... À Champagney, ils fuient avec le corbillard dont ils ont scié les montants ! Parmi les troupes en retraite on trouve les Cosaques. On ne sait pas vraiment d'où ils sont originaires. Dans ces formations, on trouve des prisonniers enrôlés de force, des bandits recrutés en prison, des déserteurs de l'Armée Rouge, des volontaires des territoires occupés. Ils sont employés dans les basses besognes de la Wehrmacht et sont plus ou moins placés sous l'administration de la Waffen-SS. Ils sont féroces et la population les craint autant que les soldats allemands. Ils ont la réputation d'être d'invétérés ivrognes au point de confondre la "gnôle" et l'alcool à brûler. Ce sont de redoutables pillards et laissent souvent derrière eux un paysage de désolation. Ils se déplacent sur de petits chevaux nerveux, très résistants, à longues queues en trainant leurs petites charrettes. Daniel Beautey, du Ban de Champagney, se souvient de l'arrivée de ces Cosaques. Son grand père utilisait l'alcool à brûler pour attendrir le cuir nécessaire à la réparation des chaussures. Il entreposait cet alcool dans un grand bidon de 5 litres et équipé d'un bec verseur. Ces Cosaques ont trouvé le bidon et ont bu à la régalade. En moins de cinq minutes tout était avalé. Ils ont même fait cuire des poules non déplumées dans des sauts hygiéniques ! Ils terrorisent la population et abattent deux civils au Ban de Champagney. Les allemands en retraite ne sont plus en sécurité. Les maquis tendent des embuscades, gênent les convois en sabotant les voies ferrées, les industries, harcèlent l'occupant dans leurs déplacements. L'occupant est sur ses gardes et sa cruauté dans les représailles n'en sera que plus grande. Il attaque les maquis avec de puissants moyens, multiplie les rafles et les arrestations arbitraires. Depuis le 18, tous les hommes sont consignés à leur domicile et ne doivent sous aucun prétexte sortir dans la rue sous peine d'être abattus sur place. En cette fin septembre de très nombreux maquisards et civils vont être exécutés sans aucune forme de procès ; 2 le 18 à Recologne, 38 le 18 à Magny Danigon, 20 le 26 à Offemont, 39 le 27 à Chenebier, 27 le 10 octobre à Banvillars. Les maisons de la cité sont pleines de soldats en cantonnement et des batteries d'artillerie sont installées un peu partout sauf sur la colline de Bourlémont. Depuis le 21, l'état-major du colonel Holzer s'était installé au lieu-dit « Les Époisses ». Le 22, il s'assure une position de repli au château des Houillères. Le 23, il y installe sa trésorerie avec une section de SS. Le 25, l'État-major du colonel effectue alors le repli préparé à l'avance et vient s'installer au château du directeur au hameau de la Houillère. Ils en partiront le dimanche 1er octobre. Le 24, des avions de reconnaissance alliés sillonnent le ciel de Ronchamp et de Champagney. Ils repèrent une concentration de troupes et de pièces d'artillerie dans le « Bois des Époisses » : l'artillerie française se déchaine et arrose le secteur. |
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