APERÇU DES OPÉRATIONS MILITAIRES SUR LA COLLINE DE BOURLÉMONT

Chapelle bombardée

LES ZOUAVES ACCUPENT LE MAMELON PAR SURPRISE

Le 28 septembre, autour du village de Magny Danigon, les compagnies de Saint Igny et de la Clayette occupent les bois, nettoient le secteur du puits Arthur de Buyer et du tunnel. La compagnie du Capitaine Naulin et la section de L'Escaille de la compagnie de St-lgny sont transportées à Malbouhans par camions d'où partira l'attaque de la colline de Bourlémont. Depuis Malbouhans, les hommes progressent vers l'Est à travers la forêt, à proximité de l'ancien couvent de la Saulnaire. Ils traversent le ruisseau ''Le Rhien'' en crue où ils ont de l'eau jusque sous les bras. Ils bivouaquent dans les bois au pied de la colline et récupèrent au passage, des pullovers enlevés à un groupe de prisonniers allemands. Dans la nuit du 28 au 29, deux sections de la 2e compagnie ''Lehuédé'' du 1er BZP s'installent pas surprise dans la Chapelle sous la protection de tirs de mortiers. Les Allemands n'occupent pas en permanence ce magnifique observatoire qu'est le sommet de cette colline. Durant cette opération, le 3e Escadron du 9e RCA est en soutient des Zouaves. Le lendemain il quitte sa position pour un repos à La Neuvelle. Le 29, à 4 heures, le reste de la section de ''L'Escaille'' et de la Cie de ''Lehuédé'' grimpe à leur tour par les ravins escarpés et au milieu des broussailles. Le pied de la colline Ouest est gardé par les Cie de Charolle et de Matour du Bataillon du Charollais. La 5e Cie du 1er BZP qui venait d'appuyer la progression de la 3e en direction de Grattery et de Recologne reçoit l'ordre de se rendre au pied des pentes ouest de la cote 476 (altitude du sommet de la colline). Sa mission est de soutenir l'action de la 2e Cie qui occupe le mamelon.

Chapelle Notre Dame du Haut

Les unités qui ont pris pied sur le plateau de la colline ont été guidées par un FFI du secteur : Gaston Parisot. Ancien du Maquis du Plainet, il se battait depuis le 20 septembre avec les Alliés. Le 27, il était en permission chez ses parents au hameau de Mourière quand on lui demande de se mettre à disposition d'un officier du bataillon de Zouaves. Connaissant parfaitement le secteur, il a guidé les hommes jusqu'au sommet en faisant un détour par le sud, non loin de la voie ferrée Paris-Bâle. Le dispositif d'attaque des Zouaves se met en place au petit jour. La section de mortiers du Sous-lieutenant Fournier prend position aux abords du hameau du Rhien avec pour objectif le contrôle des bois au nord de la colline. Cette opération se met en place au milieu de grosses difficultés ; mine, terrain détrempé où les véhicules s'embourbent et les premiers tirs de l'artillerie allemande. Ce dispositif est renforcé par la section de mitrailleuses du lieutenant Desvaux qui prend position au Sud du hameau de Mourière. Sa mission est d'interdire toutes tentatives d'infiltration par les lisières des bois coté Nord. La section du Sous-lieutenant Blaque complète le dispositif en mettant en batterie les mortiers de 75 mm en face des pentes Sud. Sur la colline, le plateau est mis en état de défense, les hommes creusent leur trou individuel. Les Zouaves gardent les faces Nord et Sud tandis que la face Est est confiée aux sections de ''Saint Igny''.

L'attaque des Français

Le matin, deux Allemands arrivent sans méfiance, armes à la bretelle. Ils sont arrêtés sans résistance. Vers 8 heures, un groupe d'Allemands en armes se présente ; ils sont accueillis par une rafale de FM. Vers 10 heures, les premiers coups de mortiers encadrent les trous des combattants. La cadence est lente mais les coups sont précis. L'infanterie allemande attaque par le Nord-Est où des éléments s'infiltrent jusqu'aux abords de la Chapelle. La 2e Cie de Zouaves réplique massivement par des tirs de mortiers et repoussent les infiltrés. L'ennemi bat en retraite en laissant de nombreux morts sur le terrain. En même temps la section du lieutenant Desvaux prend position en lisière du hameau de Mourière et installe ses mitrailleuses faces aux pentes boisées Nord pour interdire tout mouvement suspect.

LA CONTRE-ATTAQUE ALLEMANDE LE 29 SEPTEMBRE

Vers 13 heures, l'artillerie allemande pilonne le mamelon. L'artillerie française réagit en faisant feu de ses pièces installées sur l'axe Malbouhans-Mélisey. L'infanterie allemande attaque sur les trois faces de la colline où seule la face Ouest est sous le contrôle des troupes françaises. Elle profite au maximum de la couverture boisée et des broussailles. La canonnade est intense. Le bruit des explosions se mêle au miaulement des balles qui s'écrasent sur l'édifice. Malgré une défense acharnée, quelques éléments allemands parviennent aux abords du plateau. Les mitrailleurs arrosent tout ce qui bouge et repoussent les assaillants. La 2e Cie de Zouaves et les compagnies du bataillon du Charollais on perdu beaucoup d'hommes dans cet affrontement. Coté Allemand, les pertes doivent être très lourdes car des ordres brefs résonnent dans bois ; c'est le signal du repli. Après la tempête, un calme relatif règne sur la colline. Les hommes en profitent pour améliorer leur position, souffler un peu et refaire le plein de munitions. Cependant, ce calme relatif n'annonce rien de bon. Les hommes le sentent ! L'ennemi prépare sans doute une nouvelle attaque avant la nuit. Son artillerie cherche les postes de mitrailleuses et surtout les batteries de mortiers qui font des ravages dans les fantassins en sous-bois.

Soudain, vers 17 heures, l'ennemi relance une nouvelle contre-attaque appuyée par un tir massif de mortiers et d'obus fusants (obus explosant en l'air). La section de mitrailleuses fait feu de ses 9 tubes et fini par arrêter les infiltrations du Coté Nord. Sur le plateau, les défenseurs rivalisent d'ardeur pour repousser l'attaque. Il faut tenir à tout prix ce magnifique observatoire. Vers 19 heures, l'ennemi renonce et se replie dans les bois en abandonnant les morts et les blessés dont certains vont gémir toute la nuit. Le Capitaine décide d'envoyer en renfort le groupe de mitrailleuses du Sergent-Chef Deschamps qui prend position sur le plateau à la nuit tombante. « La consommation en munition a été considérable : plus de 20.000 cartouches de mitrailleuse, 1.000 obus de mortier, 400 obus de 75 ont été tirés. La nuit, le calme relatif du secteur est mis à profit pour compléter l'approvisionnement en munitions. » (Sergent-Chef Laherrère). Avec cette dernière attaque, les pertes françaises sont très lourdes. La Chapelle est transformée en infirmerie. Gaston Parisot, toujours présent sur la colline, est chargé d'aider les infirmiers dans le brancardage des blessés. Ils sont descendu par le raidillon ouest jusqu'au poste de secours installé dans la maison du garde forestier Garnier (maison Tourdot aujourd'hui) au bord de la route. Cette opération se déroule sous la pluie, les éclatements d'obus et dans une terre glaiseuse. Pour l'État-Major, la situation est plus que préoccupante. Pourront-ils résister au prochain assaut ? Les Allemands, conscient de ce qu'ils viennent de perdre, vont sans doute tout mettre en œuvre pour le reconquérir.

ARRIVÉE DE LA 3e Cie DU BATAILLON DE CHOC LE 30 SEPTEMBRE

À 19 heures, le Commandant du bataillon de Choc stationné à Pomoy, reçoit l'ordre d'envoyer une compagnie en renfort des Zouaves à la Chapelle. C'est la 3e Cie du Capitaine Léon Lamy qui est chargée de cette mission. Elle doit prendre position au cours de la nuit. Dès 19 heures 30, le capitaine Lamy part en reconnaissance pour prendre contact avec le Commandant Barbier du 1er BZP. Il charge le Lieutenant Levi d'assurer le transport des hommes jusqu'au village de la Côte. De retour à 22 heures 15, il dirige la compagnie au carrefour de RN19 et de la rue du Moulin pendant que le PC s'installe à Belonchamp. La 4e Section du Sous-Lieutenant Yves de Bernon part renforcer les Zouaves sur la colline avec un groupe de la 1re Section commandé par l'aspirant Attali. Sur la route de Mourière, la colonne s'arrête ; les hommes sautent des G.M.C. et commencent à gravir la colline. La section s'arrête et les officiers discutent avec le chef d'un groupe de maquisards. Ce sont des hommes du Bataillon du Charollais qui n'ont pas encore les tenues militaires. Puis la colonne reprend son ascension silencieuse où la pluie refait son apparition. La 3e Section de l'Adjudant Martin est chargée de renforcer les mitrailleuses des Zouaves au hameau de Mourière. Deux groupes de la 1re et de la 2e Section, commandés par le Lieutenant Levi sont mis à disposition du Commandant Barbier. Le reste de ces deux sections est mis en réserve.

Le 30 septembre, à 0 heure 30, la Compagnie Lamy est en position conformément aux ordres reçus. À 1 heure 30, un groupe de 10 hommes de la section de Bernon fait une reconnaissance sur le piton N-E, sans rencontrer d'ennemis. À 6 heures 00 Le Capitaine Lamy reçoit l'ordre du Capitaine le Hoedic, commandant le P.A. de la Chapelle, d'aller occuper ce piton. La section de Bernon, commandée par le Capitaine Lamy, prend position sur ce piton et tente une action sur les arrières de l'ennemi en se déployant en éventail dans les buissons touffus. La mission première des ''Chocs'' était les coups de mains derrière les lignes ennemies, ce pour quoi ils avaient été formés. Dans leur sac, ils emportaient des grenades ''Gammon''. C'est une grenade à main, dont l'explosif est contenu dans un sac souple. Sa charge qui peut dépasser 1 kg de plastic est d'une très grande puissance et le souffle de l'explosion est dévastateur. Elle pouvait retourner un véhicule lourd, camion ou automitrailleuse. Elle faisait partie de l'équipement des commandos parachutistes.

Attaque des sections

La section est presque arrivée vers les premières maisons (certainement le quartier du Stand, au nord du centre de Ronchamp), quand elle se heurte à une violente contre-attaque dont l'effectif est évalué à deux compagnies. Il est 6 heures 25 et l'infanterie allemande s'infiltrent dans le dispositif des ''Chocs''. Les Chasseurs les laissent approcher et font feu lorsqu'ils sont à une vingtaine de mètres. L'ennemi réplique mais devant l'importance de cette contre-attaque, le Capitaine Lamy se précipite à la Chapelle et envoie le groupe de l'Aspirant Attali en renfort de la section de Bernon. L'ennemi est éparpillé au milieu des Chasseurs mais sans les voir. « Nous les situons assez aisément car ils s'interpellent sans cesse: J'en entends distinctement un appeler son copain: "Friedrich! .. Friedrich! .. Friedrich! .." Cela lui donne peut-être du courage?.. Mais pas à nous, (pas à moi en tout cas)... Sombres témoins des combats de la veille, des cadavres de soldats allemands gisent un peu partout dans ces bois ... L'un d'eux tient encore serré entre ses mains comme s'il voulait l'utiliser, une arme antichar... (Un "Panzerfaust") Juste au-dessus de nous, un obus de mortier vient de percuter dans un arbre ... REICH, marchant à ce moment devant moi s'arrête brusquement: "Je suis touché!". (Henri Demont-Le temps des illusions). Devant le nombre et la puissance de feu allemande, les ''Chocs'' décrochent en bon ordre et se replient à 400 mètres de la Chapelle. Il faut tenir aussi longtemps que possible. Pratiquement encerclé, le groupe Attali doit se replier sur le plateau. Les avant-postes sont sur le qui-vive et les hommes doivent se faire reconnaitre au cri de ralliement ''En pointe''.

Pendant ce temps, du côté de Mourière, le sergent Boucher du 1er BZP, chef de groupe de mitrailleuses, signale des mouvements ennemis dans le bois au nord de la cote 476. « Au même moment, par interrogatoire de civils et de quatre prisonniers, on apprend qu'un détachement fort de 300 hommes environ, accompagné de 3 canons automoteurs est concentré dans les bois… Le barrage général se déclenche, les mitrailleuses deviennent rouges, les mortiers sont brûlants. » (Sergent-Chef Laherrère). L'artillerie allemande se déchaine mais la riposte est aussi très violente. Du côté des ''Chocs'', la 1re section vient en renfort en amenant des munitions à dos d'hommes ; les jeeps ne peuvent monter dans le terrain détrempé. Vers 8 heures 30, tous les hommes du bataillon de Choc ont rejoint le plateau sauf quatre qui manquent à l'appel dont Henri Poulard. Il retrouvera ses camarades après 18 heures d'absence. Les Allemands contre-attaquent une nouvelle fois sur les trois faces de la colline : au sud par Recologne, au nord par le piton à 400 mètres de la chapelle et au sud par Ronchamp. Sur le minuscule plateau de la Chapelle, la défense est héroïque et bénéficie de l'appui de l'artillerie française, omniprésente depuis le 29 septembre.

En milieu de matinée, l'ennemi décroche et se replie sur ses positions de départ tout en continuant ses bombardements. Les hommes en profitent pour améliorer leurs positions et évacuer les blessés. Vers 11 heures, le Capitaine Lamy est grièvement blessé. Le sous-lieutenant de Bernon est gravement atteint par des éclats alors qu'il observait à la jumelle en cherchant à localiser les canons automoteurs ou les chars pilonnant la chapelle. L'Aspirant Attali prend alors le commandement de la 3e compagnie des ''Chocs''. Vers 12 heures 30, l'ennemi relance son attaque en se faufilant au maximum sous les couverts. Un obus frappe le clocher de la Chapelle, déclenchant un tintamarre de sons de cloches. L'officier observateur installé dans le clocher s'en sort indemne mais son poste émetteur est criblé d'éclats, le rendant inutilisable. Le mamelon est encerclé par des éléments de l'infanterie allemande. La situation est de plus en plus critique pour les défenseurs mais il faut tenir coûte que coûte. Devant leur riposte massive, l'ennemi se retire tout en continuant les bombardements une bonne partie de l'après-midi. A 14 heures 45, Lamy et de Bernon sont en cours d'évacuation quand un obus tombe entre les deux brancards, tuant les porteurs et déchiquetant les deux hommes. Vers 20 heures, une tentative d'infiltration entre Ronchamp et Recologne est rapidement arrêtée par les mitrailleuses des Zouaves. « Durant toute cette action, plus de 3.000 obus de mortier, 1.800 d'obusier de 75 et 40.000 cartouches de mitrailleuse ont été tirés. La Compagnie a bien remplie sa mission ». (Sergent-Chef Laherrère)

LES ALLEMANDS RENONCENT À REPRENDRE LE MAMELON

Le 1er octobre, vers 4 heures, les guetteurs des ''Chocs'' entendent des bruits suspects et donnent l'alerte. Ce sont les Allemands qui récupèrent les blessés et les morts de la journée dans la pente Est et du coté du piton Nord-Est. Ils ont définitivement renoncé à reprendre cette position et vers 8 heures tous les éléments de la 3e Cie du Bataillon de Choc sont relevés. Tous les Chasseurs manquants sont retrouvés, blessés ou morts. L'Adjudant Million en ramène deux, portant des pansements allemands. L'ennemi poursuit ses tirs de harcèlement et en milieu d'après-midi la section des ''Chocs'' de l'Aspirant Pomies rejoint le PC du Commandant Barbier. Le 2 octobre c'est au tour de la section de l'Adjudant Martin, en position à Mourière, de rejoindre le PC. À 10 heures, toute la 3e Cie rejoint le PC de Belonchamp.

Petit à petit les unités sont relevées et remplacées par d'autres moins aguerries. Au cours de ces jours de combats les batteries du 1er RA et du 68e RAA sont omniprésentes dans le soutient des troupes françaises malgré les tubes usés des canons. Le 30 septembre « Au cours de ce bombardement, le fil du SCR 509 (poste de radio) du commandant de compagnie était coupé tandis que, simultanément, le lieutenant Bothorel constatait qu'un éclat d'obus avait tranché l'anneau de son casque. Les artilleurs français ne pouvaient guère tirer plus près. » (Général Pierre Bertin - Résistance en Haute Saône)

Après la libération de Ronchamp le 3 octobre, les Zouaves changent de secteur pour de nouvelles batailles : Château Lambert, le Haut du Them, Ballon d'Alsace. Pendant trois semaines ils vont combattre l'ennemi en sous-bois, sous une pluie glaciale avant un repos d'une quinzaine de jours en Haute Saône. Ils reprennent le combat lors de l'offensive du 18 novembre dans le secteur de Delle qui voit s'ouvrir les portes de l'Alsace. Les hommes du Bataillon du Charollais sont envoyés en repos dans le secteur de Mélisey. Trois jours plus tard, le général du Vigier, commandant la 1re DB, envoie l'ordre de fournir 200 hommes pour l'offensive sur le Thillot et plus tard sur l'Alsace par le Ballon d'Alsace et la vallée de Saint-Amarin. Le gros du bataillon part en repos en Bourgogne. Du coté du Bataillon de Choc, pas de repos, la 3e compagnie entre en action dès le 2 octobre à la cote 820 dans le secteur de Servance. Les trois autres compagnies sont également très sollicitées du côté de Servance, Château-Lambert, Ballon de Servance, Miellin et au-delà du Roc du Plainet (cote 792) pour la 4e dès le 30 septembre.

Henri Poulard a participé à la libération de la Chapelle de Ronchamp pour la 4e section de la 3e Cie, du 1er Bataillon de Choc. Voici quelques extraits de son ''Journal de campagne'' relatant son aventure à la chapelle : « Le 30 septembre à 6 h du matin le groupe Attali reste en poste à la Chapelle. Les 2e et 3e groupes vont se mettre en position en bordure du chemin qui contourne le mamelon Est (le chemin actuel). Le 3e groupe dont je fais partie et que commande le caporal-chef Laï va se porter en position avancée. Nous restons un petit moment aux aguets. J'entends des bruits de voix, ainsi que les moteurs de chars à l'entrée de Ronchamp. Les bruits se rapprochent : nous restons sur nos gardes. Mais nous sommes repérés...» « 8 h du matin. L'ennemi avance en nombre et prend position peu à peu, pour attaquer la Chapelle. Je me sens pris dans un étau, seul, abandonné. Cette fois, je me sens résigné : prisonnier...? Mais pas tout à fait ! Je ne bouge pas d'un millimètre, je n'ose respirer. J'ai une chance insolente, certains soldats allemands passent à moins de 5 m de moi, sans me voir... » Son témoigne au complet est disponible au format pdf ici : Poulard Henri

Le 12 octobre 1944, le Capitaine Hériard-Dubreuil, commandant par intérim le Bataillon de choc adresse une lettre au Général de Lattre dans laquelle il exprime son mécontentement quant à l'emploi de ses hommes. «… Dans aucun cas, contrairement à ce qui s'était passé au cours des campagnes de Corse et de l'ile d'Elbe, le Bataillon n'a eu un emploi conforme à sa doctrine, son équipement, à l'instruction qui a été poursuivie en Afrique du Nord et en Corse. En particulier, à Ronchamp, à Miellin et surtout à Château-Lambert, le Bataillon de choc a été employé comme bataillon d'infanterie… En effet, le Bataillon a été conçu pour désorganiser l'ennemi, en aucun cas pour prendre du terrain et encore moins le conserver… En résumé, le Bataillon a été conçu et entrainé en vue de combattre par petits éléments très légers, agissant par surprise le plus souvent de nuit et sur les arrières de l'ennemi, sous forme de coups de main ou de raids… le Bataillon de choc est et ne peut-être qu'un mauvais bataillon d'infanterie…» Source: ''Actes du 89e Congrès national des sociétés savantes, Lyon, 1964, section d'histoire moderne et contemporaine''

L'abbé René Bolle-Redat, dans le journal de Notre Dame du Haut du 20 novembre 1974 raconte l'épisode de la sauvegarde de la statue de la vierge : « En cette nuit du 29 au 30 fut sans doute descendue la statue vénérable de Notre-Dame. Le père Le Tilly, aumônier, dirigea l'opération. Un jeune oranais porta la statue dans ses bras. Quelqu'un dit : «Si ta mère te voyait» et le gars en fondait d'émotion. La statue portée de poste en poste atteignit Lure. ». Le père Le Tilly faisait partie de la Compagnie du QG de la 1re Division Blindée du général Du Vigier qui comprenait 43 officiers et 36 hommes de troupe. La statue a été directement transportée en jeep jusqu'à l'église de Lure puis ramenée au village de La Côte, libéré depuis le 26 septembre. Une plaque de marbre fixée vers l'hôtel et gravée en lettres d'or porte l'inscription : « La paroisse reconnaissante à N.D. du Haut Souvenir de son séjour en cette église 30-9 à 9-12 1944 ».

Insignes unités Insigne bataillon du charollais Prisonniers allemands Mitrailleuse Browning 7,62 Mitraiulleuse Browning 12,7 Sergent lahérère
Yves de Bernon Capitaine Léon lamy Henri Demont Mitraillette Thompson Plaque église de la Côte Chapelle bombardée
Grenade Gammon Henri Poulard Statue de la vierge Plaque Pomoy Jacques le Tilly Yves Bothorel

LE BILAN APRÈS 3 JOURS DE COMBATS ACHARNÉS

Après trois jours de violents combats et le pilonnage de la colline par l'artillerie allemande, l'édifice religieux est sérieusement endommagé mais son clocher est toujours en place. Selon l'abbé Bolle-Redat (20-11-74) : « Un témoin digne de foi a observé, le 2 octobre, 40 tirs précis sur le clocher de la chapelle. Ils venaient d'un char ou d'un canon moteur embossé près du Puits VII ». Cette affirmation suscite quelques réflexions. Le quartier du puits N°VII est situé dans une cuvette entre deux buttes et le talus de la vois ferrée sans vue directe. À cette époque il était impossible d'avoir 40 tirs sur un même point. Les obus effectuent des trajectoires différentes parce qu'il est impossible de connaitre avec une précision absolue tous les paramètres de l'état de l'atmosphère : la force du vent et sa direction, la température et l'humidité. Ces paramètres conditionnent les forces aérodynamiques qui agissent sur l'obus. D'autres paramètres interviennent dans la précision : l'usure du tube et son encrassement par les ceintures d'obus, l'échauffement du tube (les gaz brulés sont portés à 2500 °C), la charge de poudre non rigoureusement identique, le réglage de la pièce peut varier d'un tir à l'autre. Il est aussi nécessaire d'avoir des observateurs d'artillerie installés au plus près de l'ennemi. Ils sont chargés de détecter l'ennemi, faire des demandes de tir d'artillerie et d'observer les coups tomber et de donner un dégât des tirs. Ce sont donc les observateurs qui règlent les tirs d'obus.

Entre 11 heures et 11 heures 30 des obus s'abattent sur la colline. Le clocher, déjà fragilisé, s'effondre en un grand fracas ; la cloche de 1869, ''Marie Marguerite Florentine'' est criblée de cicatrices et git dans le beffroi, la moyenne, ''Jeanne Bernadette'' est intacte, la plus petite ''Anne-Marie Alfrède Bernadette'' s'est tue à jamais. Ce pouvait être un canon automoteur en position sur la route du Puits VII et en liaison radio avec un observateur sur la côte Thiébaut (depuis le quartier du Puits VII la chapelle n'est pas visible). Une pièce d'artillerie ou un canon automoteur était peut être installé au sommet de la côte Thiébaut où il existe encore aujourd'hui les traces d'un emplacement et des tranchées. Cette position avait l'avantage d'avoir une vue directe sur la chapelle mais c'était aussi un belle cible pour les Français. Une autre version de ce bombardement existe : un canon installé en haut du Pied des Côtes. Dans le journal de marche du BM 24 il est écrit pour la journée du 3 octobre: « Dans la matinée, un tir de 88, après une demi-heure atteint le clocher de la Chapelle».

Au mois d'octobre 2011, j'ai rencontré Gibert Demesy habitant le hameau de Mourière, au bord de la route et au pied de la face nord de la colline. Au cours de la discussion sur les évènements de fin septembre et début octobre 1944 il m'a parlé de l'effondrement du clocher de la chapelle. « Il faisait beau en cette fin de matinée et une salve d'obus s'abat sur la colline. Un obus atteint le clocher qui vacille mais ne tombe pas. Les cloches sonnent, touchées par les éclats et les projections de pierres. Un peu plus tard une nouvelle bordée s'écrase sur le mamelon et un obus frappe le clocher endommagé. Il s'effondre avec fracas dans la partie ancienne de la chapelle. Le bombardement a peut-être duré un vingtaine de minutes mais je ne m'en souviens plus très bien. Les coups de canon n'étaient pas très éloignés, ils semblaient venir du côté du quartier du Puits N°7 ou de la côte Thiébaut

Le bombardement a sérieusement endommagé l'édifice mais il n'a pas été détruit contrairement à ce qui a été dit et écrit. Aujourd'hui encore on parle de chapelle détruite ! La paix retrouvée, la chapelle est sommairement réparée avec la réfection de la toiture, la construction d'un toit sur le moignon du clocher et le rebouchage des trous d'obus. Les quatre séraphins de fonte sont restés stoïques sur leur piédestal. Cependant deux ont été sérieusement touchés. Les deux autres, remis en état et marqués des impacts de balles, veillent sur une tombe au cimetière de Ronchamp.

Les combats sur la colline ont été très meurtriers. En septembre 1984 une cérémonie commémorative sur la colline réunissait une cinquantaine d'anciens combattants présents en 1944. Le Baron de l'Escaille, ancien capitaine au 1er BZP, a lu les noms d'environ 80 soldats morts au combat durant quatre jours dont une cinquantaine uniquement sur le plateau. Le nombre des blessés a été très élevé étant donné la grande densité des combattants pendant ces quatre jours d'affrontement. La 3e Cie du bataillon de Choc a eu 8 morts et 26 blessés. Du côté allemand le bilan n'est pas connu, mais étant donné la violence des combats et la position des Français, on peut légitimement supposer que plusieurs centaines d'entre eux furent mis hors de combat. Les blessés étaient emmenés au poste de secours du centre de Champagney ou dans les ''Grands bureaux'' des Houillères, à proximité de l'ancien Puits Saint Charles. « Plus de 180 blessés allemands ont défilé, dans ces dernières vingt-quatre heures (30/09 au 1/10), au poste de secours installé au café Cordier » (René Simonin-Encore Martyre-Champagney 1944). Des cadavres de soldats allemands sont restés longtemps sans sépulture sur le terrain. En 1974 un prêtre allemand, ancien combattant de la 159e division d'infanterie, s'exclamait à la vue des hauteurs encadrant le site : « Là, je suis monté quatre fois à l'assaut…Tant de camarades morts ! »

Les artificiers allemands ont aussi fait sauter l'unique pont de Ronchamp, un jour en fin de matinée, juste avant l'arrivée des premières unités françaises. Un peu plus tard un pont provisoire est installé en contrebas. L'église, touchée par les bombardements, va être en travaux jusqu'au début des années 1950. Les offices se déroulent alors à l'église de Champagney ou dans le bâtiment annexe de la cure de Ronchamp et même à la salle Marie-Ange (salle de cinéma construite par l'entreprise Canet en souvenir de Marie Ange Alfrède Canet).

En 1953 l'édifice est rasé pour faire place à une nouvelle chapelle. Ce sera la chapelle de Le Corbusier (Charles Édouard Jeanneret). Elle est inaugurée le 25 juin 1955. On accepte le projet d'une pyramide construite avec les pierres de l'ancienne chapelle à la mémoire des victimes des combats de la Libération. Au pied de celle-ci une stèle surmontée d'une colombe rappelle « Sur cette colline en 1944 des Français sont morts pour la paix ». La motivation des combattants de cette époque ne correspond pas avec cette inscription. Ils se sont battus pour libérer le pays de l'envahisseur nazi et parmi ces Français il y avait beaucoup d'hommes venus d'Afrique et des colonies françaises.

Funérailles Lamy Chapelle bombardée Chapelle réparée Tronc de cerisier torturé Impacts de balles Impacts de balles
Séraphin Impact dans l'aile Séraphin a perdu la tête Pyramyde Stèle Stèle Colombe
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