LE CAPITAINE AUMÔNIER FRANÇOIS BIGO DE LA 1ère DFL

Le cimetière Canteleu

françois Bigo

François, Antoine, Pierre, Marie Bigo est né à Lille, comme Charles de Gaulle, le 5 avril 1912. Il est élève au collège Saint- Joseph à Lille, puis séminariste à Merville et renonce aux carrières militaire et navale où l'attiraient ses traditions familiales. Il entre au grand séminaire de Lille et le 2 juillet 1939, il était ordonné prêtre. Deux mois plus tard il est mobilisé et devient aumônier au 1er Régiment d'infanterie. Lors de la campagne de Flandres, il est très grièvement blessé fin mai vers Dunkerque. Les Britanniques l'évacuèrent lors de l'opération Dynamo.

En Angleterre il traine d'hôpital en hôpital, subissant opération sur opération. À peine remis, il rallie les Forces Françaises Libres, et devient aumônier avec le grade de capitaine à l'École Militaire des Cadets de la France Libre à Malvern, dans le Worcestershire. Mais son dévouement exclusif à cette cause le fit retomber dans une grande dépression nerveuse. Seul un grand sursaut d'énergie lui a permis de se lancer dans l'aventure de la guerre.

Il demande à plusieurs reprises une affectation dans une unité combattante. Il rejoint la 1re Division française libre à l'été 1943 à Zuara en Tripolitaine (Lybie). Le 17 février 1944, il est affecté au 22e BMNA. Au feu, il se range parmi les membres du service de santé et durant les batailles, il se déplaçait toujours avec deux musettes sanitaires en bandoulière. Au 22e BMNA les effectifs comprenaient au moins trois quarts de musulmans. Cependant tous les hommes du bataillon savaient que le capitaine-aumônier suscitait un indéniable courant de sympathie, qui se transforma en véritable adoration dès les premiers combats.

Dans la campagne d'Italie, pendant les combats du 11 au 14 mai 1944, les hommes du 22e BMNA se lancèrent à l'assaut de la ligne fortifiée Gustav, face à San Giorgo. Le Père Bigo se dépensa sans compter, pansant les combattants, les brancardant, consolant et bénissant les mourants, recueillant aussi leurs derniers messages avant de leur fermer les yeux. Il est hospitalisé une quinzaine de jour suite au réveil de son ancienne blessure et surtout il est épuisé par tous les efforts consentis durant cette bataille.

En juin, il rejoint son bataillon. Il est de nouveau à l'œuvre, pendant les dix jours de durs combats livrés vers Radicofani. Le 30 juin le général de Gaulle, en inspection en Italie, le décore de la Croix de la Libération sur l'aérodrome de Calvano.

François Bigo

Il participe au débarquement de Provence avec la 1re DFL. Puis c'est la chevauchée fantastique dans la vallée du Rhône et de la Saône. À partir du 19 septembre, la lutte reprend en Franche-Comté. Il redouble d'activités charitables et parfois ses actions téméraires sont de plus en plus folles.

En ce 2 octobre, le 22e BMNA espère fermement enlever le dernier obstacle : les fours à coke et ses alentours immédiats à Ronchamp où sont retranchés des chasseurs bavarois de la 159e division de la Wehrmacht. « Préparation d'artillerie. Côte à côte, la 3e compagnie et la 1re s'élancent. C'est une course haletante de quelques dizaines de mètres. Hélas ! Les hommes sont de nouveau cloués au sol, sous un feu d'enfer. Impossible d'avancer. Et tout le monde de s'incruster dans le moindre creux que peut offrir ce terrain trop plat. Tout le monde ... sauf un tirailleur qui - vivant ou mort? - gît bien en vue de la ligne ennemie. Hurlant ses ordres, le lieutenant interdit de porter secours au malheureux. Mais, profitant de ce que l'officier regarde dans une autre direction, un homme s'élance. C'est le Père Bigo. Inouï !... Il a réussi !... Or, à ce moment, utilisant habilement un ravineau, un Allemand se précipite sur lui et, sous la menace d'un pistolet-mitrailleur, le capture puis disparaît avec lui. Tout s'est très vite passé. Moins de cinq minutes, affirment les témoins. Alternativement on entend, et la voix du Père, et un rude parler germanique. Puis claque une rafale. Enfin, deux coups de feu se détachent, isolés. »

C'est au cours de cette matinée du 3 octobre que la 1re Cie du 22e BMNA retrouve le corps du Père Bigo et des 3 ou 4 brancardiers. Voici ce que rapportent les combattants de cette unité : « Il était étendu contre un buisson, à plusieurs mètres de l'endroit où il avait été, vivant encore, aperçu pour la dernière fois ... Les bras étaient raidis au-devant de la tête et de la poitrine. Le visage pâle comme la cire, avait une expression de douceur et de sérénité extraordinaire. Le rictus habituel du coin gauche de la bouche était à peine accentué. La moitié inférieure du corps ensanglanté, la moitié supérieure intacte. Tous les insignes étaient demeurés sur l'uniforme. Les objets qui avaient été retirés des poches étaient épars autour du cadavre ; parmi eux, le Saint-Sacrement que l'aumônier portait en permanence dans la poche droite de sa veste... » (Réflexions sur la mort au combat d'un aumônier militaire-Colonel R. Dutriez-1984).

Remise de décorations

Alors, dans les rangs du 22e BMNA éclate une profonde colère, une rage, qui s'était déjà manifestée la veille au soir, lorsque la 4e Cie signala avoir découvert dans Eboulet libéré les quatre disparus du 30 septembre. Leurs corps, alignés contre un talus, étaient troués de balles et lardés de coups portés par des armes blanches. Sans aucun doute, ils avaient été les victimes d'une exécution sommaire que les civils confirmèrent dès leur première rencontre avec les soldats français.

Il s'ensuivit donc d'inévitables représailles comme ce cas précis tel qu'il ressort d'une déclaration faite, en mars 1945, par le maire de Magny Danigon (Déposition extraite du rapport de gendarmerie de la brigade de Ronchamp, en date du 19 mars 1945) : « Le 3 octobre 1944, les corps d'un aumônier et de trois soldats de la 1re D.F.L. ont été placés dans le temple de ma commune. Le même jour, six prisonniers allemands ont été exécutés devant le temple en représailles... Auparavant ces six soldats allemands avaient été conduits devant les corps ».

En ce qui concerne la mort de l'aumônier François Bigo, beaucoup on dit ou écrit que celui-ci avait été « abattu d'une rafale de mitraillette dans le dos, après avoir été pendu par les mains à l'arbre le plus proche ». Il n'a pas été pendu!. Dans le livre ''La 1re DFL-Épopée d'une reconquête -1946'' il est seulement écrit ceci : « En allant chercher le corps d'un de ses tirailleurs, il est fait prisonnier, le lendemain son corps est retrouvé. Il a été assassiné d'une rafale de mitraillette dans le dos ainsi que les quatre tirailleurs qui l'accompagnaient».

Tombe François Bigo

Dans son récit, Yves Gras du BM21, dit : « Le lendemain, une patrouille retrouvera les corps du père et de ses hommes, abattus d'une rafale dans le dos ». Dans un autre document de 1984, le Commandant René Naudet, ancien du BMNA, écrit : « Le 2 octobre vers 11 heures, la 1ère et la 3ème Compagnie reçoivent l'ordre d'attaque, mais l'avance est stoppée et les pertes sont lourdes. L'Aumônier sans arme, avec ses brancardiers ramasse les blessés. Il est hélas fait prisonnier. Cinq minutes s'écoulent, une rafale de mitraillette crépite, l'Aumônier et quatre infirmiers ont été assassinés. On retrouvera les corps le lendemain. » Des enquêtes menées de la fin 1944 à 1947, auprès de prisonniers ayant servi à la 159e Division allemande, s'enlisèrent peu à peu et nous ne connaitrons sans doute jamais ce qui s'est réellement passé. Au Ministère de la Défense et des Anciens Combattants, le site «Mémoire des Hommes» donne les renseignements suivants :
--Statut : Militaire
--Grade : Capitaine-Aumônier
--Unité : 22e BMNA
--Mention : Mort pour la France
--Date du décès : 02-10-1944
--Commune de décès : Four à coke devant Ronchamp-70 Haute Saône
--Cause du décès : Balles et éclats
Le capitaine aumônier François BIGO a été inhumé au cimetière de Villersexel en Haute-Saône. Son corps a été restitué à sa famille le 1er octobre 1953 pour être inhumé au carré militaire du cimetière de Canteleu à Lambersart (Nord), emplacement 28. Il est fait Compagnon de la Libération à titre posthume par le décret du 20 novembre 1944.

En mars 1978, l'Amicale du 22e BMNA décide de venir à Ronchamp le 6, 7 et 8 mai pour son assemblée générale dont le point d'orgue sera l'inauguration de la rue du Révérend Père Bigo. Le samedi 6 mai a été consacrée à l'accueil de participants, le déjeuner et la visite de lieux des combats du Bataillon. Le dimanche à 10 heures, une messe a été concélébrée par M. l'abbé Moussour et M. l'abbé Chatel à la mémoire du R.P. Bigo et des morts du Bataillon. A l'issue de l'office une gerbe a été déposée au Monument aux Morts, Place de la Poste, où un détachement du 1er Dragon de Lure, emmené par le colonel Borgne, rendait les honneurs militaires. Le cortège s'est ensuite rendu au quartier du Chanois. S'étaient associés à cette journée, le Maire de Ronchamp, Jean Pheulpin, M. Belin, sous préfet de Lure, M. Thomas, directeur de l'ONAC à Vesoul, M. Coppey, conseiller général et maire de Champagney.

Plaque de rue 1978

Avant de dévoiler la plaque, M. Naudet, président de l'Amicale rappela la triste journée du 2 octobre 1944 : « Dans la matinée du 2 Octobre 1944, pour la quatrième fois en 48 heures, la 1re Compagnie atteignit le long de la voie ferrée (près du triage) un noyau de résistance ennemie à la lisière d'un bois, au sud de Ronchamp. Le premier point consistait vers les fours à coke; l'attaque venait de se terminer. Mais personne ne pouvait s'engager vers le glacis sans se faire impitoyablement mitrailler. Un tué restait entre les lignes des nôtres et de l'ennemi. C'est alors que le capitaine aumônier, négligeant le danger, se porta vers le mort pour lui donner l'absolution. Il venait de parvenir à lui lorsque, utilisant comme cheminement un petit ravin situé sur la droite, un allemand se précipite sur lui. On entendit alterner la voix du père et une voix allemande, une ou deux minutes plus tard après, le claquement d'une rafale, enfin deux coups de feu isolé. Le lendemain matin, à la suite d'un bombardement d'artillerie ami, et de l'attaque du bataillon voisin, notre Compagnie put progresser et c'est ainsi que l'on retrouva le corps du père BIGO. Il était étendu contre un buisson à quelques mètres où il avait été aperçu la veille pour la dernière fois. Tous les insignes étaient demeurés sur l'uniforme. Les objets qui avaient été retirés des poches étaient épars autour du corps; parmi eux, le St Sacrement que l'aumônier portait en permanence. Après examen, la conclusion fut formelle, le capitaine aumônier est mort assassiné par les allemands (tué d'une rafale de mitraillette dans le dos au niveau des reins). En fait d'armes, il ne portait en tout et pour tout que sa croix pastorale

Plaque de rue 2025

M. le sous préfet accompagné du doyen de l'Amicale, le commandant Palenc, dévoilèrent la plaque qui immortalisait le nom d'un prêtre adoré de ses soldats qui, bien que presque tous musulmans, l'appelaient respectueusement ''le Padré''. Ce fut ensuite le retour à la salle des fêtes pour le vin d'honneur et les remerciements d'usage. La rue est située à quelques centaines de mètres des anciens fours à coke et du glacis au pied du Bois de la Nanue où le capitaine Bigo a été tué. À remarquer le T ajouté par erreur au nom du capitaine aumônier. Plus tard, son nom est inscrit dans le bronze de la stèle du hameau d'Eboulet à coté de ses camarades morts au combat.

Le 5 octobre 2024, pour clore le chapitre sur les commémorations de la libération de Ronchamp, une dernière cérémonie s'est déroulée au pied de la plaque de la rue Bigo. Dans un premier temps la plaque a été recouverte d'une feuille sans la faute d'orthographe. Début avril 2025, une nouvelle plaque a remplacé l'ancienne.

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