LA STABILISATION DU FRONT DES OPÉRATIONS

Les tranchées allemandes

LA LIGNE DE FRONT

La prise de Ronchamp a permis à la 1re DFL de rétablir un front continu après 4 jours de violents combats. Cependant, au Nord, la 1re Brigade va tenter de gagner du terrain en direction du col de la Chevestraye. Les Allemands lancent de violentes contre-attaques sur le Chottet (cote 620) les 4, 5 et 6 octobre. Le 1re BLE qui tenait la position, perd le contact avec le BM24 qui est au nord du hameau de la Houillère. Le Général Brosset prépare une opération pour reprendre la cote 620 et si possible repousser l’ennemi vers le col. La mission est confiée au 22e BMNA et au peloton de char de l’enseigne de vaisseau Bokanovski. Le 8 octobre, la position est enlevée face à une résistance peu active et les Allemands sont rejetés vers le col. Le front continu se stabilise suivant un axe Nord-Sud : col de la Chevestraye, le Chottet, l’Attemas, le Chevanel, l’Est du hameau de la Houillère, la rue Sainte Pauline face au bois des Époisses, la Piotnaz, la rue menant à Eboulet et l’extrême Est de ce hameau (puits du Tonnet). Aujourd’hui encore, cette ligne de front est toujours matérialisée par une grande quantité de trous, d’emplacements individuels et d’anciennes tranchées. Des traces des tranchées allemandes sont encore bien visibles derrière de château des Houillères, sur le mamelon surplombant la voie ferrée et de chaque coté de la route à la sortie Est du hameau de la Houillère. Il y a une quarantaine d’année il existait un énorme hêtre ayant servi d’observatoire aux troupes allemandes sur la butte derrière le château du directeur des Houillères.

LE MANQUE DE MUNITIONS ET D'ESSENCE

La 1re DFL se trouve confrontée à une série de gros problèmes. En premier lieu, c’est le manque de munitions qui l’oblige à suspendre toutes les opérations offensives. La dotation en obus de tous calibres est très insuffisante et ne permet pas de combattre efficacement l’artillerie adverse. Les unités sont sur la défensive ; elles s’enterrent, construisent des abris, creusent des tranchées, posent des barbelés et des mines. L’État-Major craint de revivre une guerre de position, semblable à celle de 14/18. C’est d’autant plus dur pour les hommes qu’il fait un temps exécrable avec un hiver précoce : la pluie, le froid et l’arrivée de la neige. Le ravitaillement en vivres est aussi très insuffisant et les hommes ne bénéficient que de maigres rations. Parfois, seuls les mulets en assurent le transport à travers les ravins escarpés et les buttes. Le bataillon du Génie fait presque des miracles pour entretenir les pistes défoncées et souvent transformées en ruisseaux de boue. Il doit reconstruire des ponts emportés par les crues. Un autre gros problème est la pénurie d’essence qui arrive au compte-goutte. Il est urgent de constituer d’importantes réserves et relativement proches du front avant de reprendre l’offensive. Les camions GMC de 2,5 t de charge utile doivent parcourir près de 350 km sur des routes défoncées pour charger environ 125 jerricans de 20 litres dans le secteur de Lyon. Rappelons que le célèbre jerrican américain a été inventé par les Allemands vers 1930. Les besoins en essence sont énormes, par exemple un char Sherman M4A4 consomme 450 litres aux 100 km, un GMC 40 litres, un halftrack 65 litres et une jeep Willys 15 litres.

LE BLANCHIMENT DES TROUPES COLONIALES

La 1re Armée Française doit faire face à l’arrivée massive de formations FFI. Le 1er février 1944, une ordonnance du Comité français de libération nationale avait institué les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), qui regroupaient les principaux groupements militaires de la Résistance intérieure française qui s'étaient constitués dans la France occupée. Début octobre 1944, l’État-Major de la 1re Armée, exige la signature d’un Engagement Volontaire pour la Durée de la Guerre (E.V.D.G.) de tous ceux qui veulent s’engager. Ce qui a pour effet d’en réduire le nombre par élimination des inaptes au combat, des trop jeunes et des non volontaires. Parmi tous ceux qui s’engagent nous trouvons des compagnies organisées de maquis constitués sous l’occupation, des engagements individuels et certainement des hommes qui veulent se refaire une ‘’bonne conscience’’ ou même des individus qui veulent tenter de passer à travers les filets de l'épuration. Depuis fin septembre, des actions sont menées au sein de la 1re Armée pour intégrer tous ces hommes dans les unités existantes, voir en créer de nouvelles. Le 16 septembre 1944, au sein de la 1re DFL, est crée la 3e Brigade, dénommé Brigade Volante et comprendra : le 11e Régiment de Cuirassiers du Vercors (11e CUIR), le 2e Bataillon FFI du Charollais, le Bataillon FFI de Chambaran, un détachement FFI Lacaze.

Le 27 novembre 1942 la Wehrmacht envahit la zone libre, le lieutenant Narcisse Geyer de permanence au quartier du régiment à Lyon s’empare de l’étendard du 11e Cuirassiers et entre dans le "maquis". Il se réfugie dans la forêt de Thivollet à laquelle il emprunte le nom et reconstitue partiellement sous le nom de "Premier corps franc", le "11e cuirassiers". En janvier 1944, il est désigné comme chef militaire du Vercors et reçoit ordre de regagner le plateau. Le 3 septembre, le 11e CUIR retrouve Lyon et dans la soirée, le régiment est intégré à la 1re DFL. Il sera transformé en régiment porté de soutien du 1er RFM à quatre escadrons. Les autres seront ventilés au BM21 et BM24. Le 2e Bataillon FFI du Charolais du capitaine Monti est rattaché à la DFL le 8 septembre 1944. Il est dissous le 17 octobre, et ses effectifs versés dans les 2e et 4e brigades de la division. Le maquis du plateau de Chambarand du capitaine Marcel Mariotte arrive par Lure et rejoint Moffans où le BM4 du commandant Buttin est en repos durant la première semaine d’octobre. La moitié des effectifs FFI accepte de signer un engagement pour la durée de la guerre et les autres retournent dans leur foyer. Une partie constitue un bataillon et les autres sont ventilés dans les 2e et 3e compagnies. Parmi tous ceux qui ont signé l’engagement figure une femme, Paulette Jacquier, alias Marie-Jeanne, qui intègre la 2e Cie. Elle termine la guerre dans le massif de l’Authion avant d’être démobilisée. Il est certain que l'état-major de la 1re Armée méconnaissait son existence sinon les autorités du niveau de l'armée auraient décidé son renvoi immédiat. Le 1er régiment du Morvan, à 4 bataillons, est créé le 20 septembre. Il est sous les ordres du lieutenant-colonel Adrien Sadoul. Le régiment quitte l’Yonne le 1er octobre pour rejoindre la 1re Armée Française et le 10 il est rattaché à la 1re DFL. A partir du 9 novembre il est en opération dans le secteur du Thillot. Le 19 novembre il est mis à la disposition du Général Guillaume de la 3e DIA.

Le 18 septembre 1944, plus de 40.000 FFI avaient rejoint la 1re Armée. De Lattre s’efforça d’harmoniser les groupes FFI en définissant une unité type regroupant environ 500 hommes. L’intégration d’environ 117 unités FFI posait de gros problèmes ; ces unités manquaient de formation aux combats en lignes et ne connaissaient que des opérations de guérillas. L’encadrement était surabondant et le plus souvent sans grandes connaissances techniques. Tout était nouveau pour eux : le matériel et les armes, les processus de combat et un nouveau langage militaire rigoureux. La plupart de ces FFI sans uniforme ne disposaient que d’un armement léger, désuet et obsolète : le fusil du grand-père ou celui récupéré sur des Allemands. Leurs moyens de transport faisaient cruellement défaut. Certains sont arrivés à la DFL en voiture gazogène ! Cependant De Lattre avait apprécié leur aide précieuse dans la remontée de la vallée du Rhône. Il a réalisé ce tour de force de transformer ces groupements FFI en unités juxtaposées avec celles de son armée plus aguerrie, tout en ménageant le particularisme de chaque unité : c’est l’amalgame. Pour résoudre une partie du problème FFI, le général Brosset va dissoudre la « Brigade volante » et intégrer ces formations dans les bataillons.

Après le débarquement provençal, l’État-Major songe à remplacer avant l’hiver, par des Européens, les hommes originaires d’Afrique, des iles du Pacifique et plus généralement ceux de l’hémisphère Sud. Par exemple, les Sénégalais de la 9e DIC sont remplacés du jour au lendemain par des engagés volontaires dépourvus d'instruction militaire où les échanges des vêtements s’est fait sur place. Les Sénégalais sont envoyés dans des camps dans le sud de la France en attendant leur rapatriement. Les 175 survivants du Bataillon du Pacifique sont relevés et dirigés sur Paris début novembre. Le 15 octobre, des tirailleurs sénégalais quittent le BM24 : « Ainsi le B.M. 24 est au Nord de la voie ferrée et à tour de rôle les Cies vont pour cinq jours au repos et au chaud à RECOLOGNE. Toute la population est partie, les Tirailleurs sont à relever, décimés par les gelures, amoindris par les froids et les pluies glacées, dans les tranchées pleines d’eau. La relève est trop lente, les sections ne refont pas le plein. Ce ne sera que le 8 novembre que les Tirailleurs finiront de s'en aller, avec les regrets des anciens et aussi des jeunes qu’ils ont conquis. Dernières accolades entre blancs et noirs, les larmes glissent des yeux dans les plis des larges sourires. C'est un soulagement lorsque s'achève cette chevauchée de 6000 km, semée de deuils- tissée de fraternité. Adieu à tous, à MOUSTACHE, son barda légendaire et son tir précis. À DALIL qui enlevait sa mitrailleuse d'une main sans jamais dévisser le trépied pour aller plus vite, à BAMANDI évadé de la Moutonne en chemise, à BADGY, N'GORY, TOURE, DRABODRABO. » (Extrait Journal de marche du BM24). Ces opérations de remplacement des indigènes par des FFI est ce que l’on a appelé ‘’le Blanchiment’’.

UNE PATROUILLE DANS LE BOIS DERRIÈRE LE CHÂTEAU DES HOULLIÈRES

Sur la ligne de front, les hommes subissent des attaques, perdent des positions et les reprennent, repoussent les tentatives d’infiltration, participent à des ‘’coups de main’’. Et toujours des morts et des blessés. Parfois des opérations sont montées pour tester l’ennemi ou simplement pour connaitre ses positions.

Vers la fin octobre, un lieutenant du BM24 envoie une patrouille de nuit dans la forêt derrière le ‘’château’’ du hameau de la Houillère. Dans un silence absolu le groupe, commandé par André Cayon, se faufile dans les sentiers en prenant garde aux mines, les carabines armées et les grenades prêtes. Dans le groupe de patrouilleurs, un tirailleur sénégalais marche dans les pas de son chef : il s’appelle Ouri-Dialo. Après 500 mètres de marche silencieuse un bruit suspect se fait entendre. Laissons à André Cayon le soin de raconter la suite : « Peut-être était-ce un sanglier ? Ou un renard ? Nous écoutions, attentifs… Silence complet ! Je fis signe d’avancer de vingt mètres et on entendit des bruits de voix. Aucun doute : les Allemands étaient là. Il fallait faire demi-tour sans se faire repérer. Je contactai le lieutenant par radio. - Mon lieutenant nous avons situé les avant-postes de l’ennemi, que doit-on faire ? - Ne bougez pas, dites à un soldat de tenter d’approcher le plus possible de leurs positions, essayez de repérer l’emplacement des armes automatiques et des mortiers s’il y en a. Ouri-Dialo s’avança en courbant le dos… On le perdit de vue. Soudain un tir de mitrailleuse déchira l’air. "Couchez-vous, ne parlez pas." L’attente était longue… Ouri-Dialo ne donnait pas signe de vie… Le Sénégalais était-il blessé ? Ou peut-être tué… ? Enfin, au bout de dix minutes, mon ami déboucha d’un fourré en rampant. Il me dit à l’oreille : "Boches quarante mètres, deux mitrailleuses dans tranchées pour tirer. Eux tirer sur moi, mais moi couri, couri. Plein fils barbelés avec gamelles pendues pour dire à eux nous être là." Je devais interpréter, mais j’avais bien compris. - Bien merci, je vais appeler le lieutenant. - Allô, mon lieutenant, ici groupe B, me recevez-vous ? - Je vous reçois 5/5, à vous. Je lui expliquai rapidement la situation. - Relevez leur position et rentrez en silence. » Le lendemain, la position allemande est bombardée pendant un bon quart d’heure, la réponse ne se fait pas attendre ! Des obus de mortiers tombent sur les positions, trouant les murs de la maison où la patrouille cantonne.

UN COUP DE MAIN AU CARREFOUR CHAMPAGNEY-SAINTE PAULINE

Le 9 octobre, le Capitaine Marcel Lafaurie, commandant la 2e Cie du BM21, monte un coup de main. La section Robi est chargée de s’emparer du carrefour à 500 mètres de la scierie ‘’L’Union Industrielle’’, au croisement de la route de Champagney et de l’actuelle rue Sainte Pauline. À 10 heures, les fantassins attaquent avec en couverture, les chars ‘’Nantes’’ et ‘’Nevers’’ qui ouvrent le feu sur les maisons. À 11 heures, la section dépasse le carrefour mais les Allemands contrattaquent, appuyés par les mortiers et l’artillerie. La section se replie rapidement mais un groupe est coincé dans une vielle bicoque avec ses blessés. Les deux chars se remettent à l’abri derrière les maisons. Une mitrailleuse allemande balaie tout le secteur de la longue route rectiligne. Vers midi, une nouvelle opération est montée pour dégager et récupérer les fantassins. Ce coup de main ne doit pas durer plus de 10 minutes. L’artillerie et les mortiers pilonneront à cadence rapide les lisières allemandes. Les deux chars, ‘’Nancy’’ et ‘’Nîmes’’ assureront un tir à vue rapide tandis que les deux autres chars protègeront la retraite. Jean Navard, tireur du char ‘’Nevers’’ au 1er Peloton du 3e Escadron du 2e CUIRS continue le récit : « Il faudra faire « fissa », faire vite car les Allemands surveillent attentivement le coin. À 15 h 25, le Lieutenant, avec Gazan comme agent de liaison, part à l'entrée de la route ; c'est lui qui déclenchera le signal de l'attaque. En outre, tous les commandements de l'opération se feront au fanion car la radio sera interdite pour que l'ennemi ne soit pas informé de nos intentions. L'affaire de Bois Leprince nous a instruits à ce sujet. 15 h 28... Boum ...Boum ...Boum... six départs de 105 que nous entendons derrière nous dans le silence et puis les froutt-froutt-froutt au-dessus de nos têtes.

À nous de jouer maintenant. Figaro donne ses ordres à l'interphone : - En avant... Stop. - Explosifs - Cadence rapide - Sur la maison et les trois arbres à droite - Feu à volonté. - Chargeur prêt. - Tireur vu... prêt. - Feu ! Le premier obus de 75 explose, là-bas, presque en même temps que les gros des artilleurs et ceux des fantassins qui envoient leurs 81...Paf...Paf... Les lueurs, les geysers de terre montent, orange et brun dans la fumée noire de la poudre. Rrang...Rrang... Rrang... ça crache là-bas : ils doivent en prendre pour leur matricule, les copains. Bang, la culasse recule, éjecte, revient en position et déjà une nouvelle cartouche est introduite. Bang... Les coups se succèdent toutes les 6 ou 7 secondes, la fumée n'a pas le temps d'être évacuée et l'on commence à être à moitié asphyxiés ; aussi faut-il mettre le nez de cochon. Nous avons dû faire but car une grosse fumée noire apparaît dans les arbres. L'artillerie et les mortiers cessent le tir mais nos chars continuent leur feu d'enfer ; notre tir direct est le seul qui puisse être efficace sans risquer de toucher les amis. À côté du char, les « Matafs » n'en reviennent pas de voir ce tir et ils sont comme sur le bord d'un terrain de football, ils annoncent les coups et commentent : - Vas-y, Totor ! Cogne dessus. - Donne z'y sa mère (ça doit être un Oranais). - Oh ! La belle rouge! Le Nancy et le Nîmes débouchent de derrière les maisons et foncent en avant : il est exactement 15 h 30, l'horaire est respecté. La jeep sanitaire apparaît à son tour, à moins de 10 m en arrière et ne s'occupe pas des trous, croyez-moi ! Pour l’instant il n'y a aucune réaction de l'ennemi et cela ne nous surprend pas ; avec ce qui leur tombe dessus ils doivent avoir la tête au ras des pâquerettes. Le Nîmes a parcouru 50 m quand... Vrrrang ! Une explosion à l'avant droit : une mine qui n'a pas été repérée par le Génie. Cinq kilos d'explosifs, ça fait du beau travail sur une chenille. L'équipage n'a aucun mal, il est simplement étourdi par l'explosion. Par miracle, la chenille n'est pas coupée et le char reprend sa progression.

Les tourelles des deux chars oscillent à droite et à gauche, leurs mitrailleuses crachent et les canons tirent en roulant. Leurs obus éclatent au petit bonheur la chance, mais cela suffit pour faire baisser le nez des fridolins et c'est le but recherché. La chaînette du canon du Nevers casse, il faut manœuvrer à la main mais cela ne ralentit pas le tir. Quel vacarme ! L'orée des bois, en face, est presque invisible maintenant, à cause de la fumée et de la terre qui n'a pas le temps de retomber qu'une autre gerbe est déjà en l'air. La jeep profite de l'abrutissement momentané de l'adversaire pour stopper devant la bicoque dont la porte s'ouvre aussitôt : ils n'ont pas été longs à comprendre, les gars. Les blessés sont embarqués en quatrième vitesse sans que les brancardiers se soucient le moins du monde des gémissements et des injures. Ce n'est pas le moment de jouer aux petites cocottes douillettes ! Les fantassins qui participent à l'attaque sont à plat ventre et préfèrent chercher les trèfles à quatre feuilles plutôt que d'admirer les papillons. Certains aident les brancardiers à charger les blessés. Ça ne doit pas être de tout repos, ce travail, avec 2 chars qui vous tirent des coups de canon au ras des oreilles. Deux nouvelles jeeps arrivent en trombe, en renfort, et les trois véhicules repartent à toute vitesse vers l'arrière avec leur chargement qui croyait bien terminer sa carrière en choucroûte. L'ennemi réagit enfin et violemment avec canons et mortiers. Ils matraquent les 2 chars mais aussi nos positions, ce qui provoque la débandade de nos admirateurs matafs. Il est 15 h 40, le fanion s'agite là-bas. Les Nancy et Nîmes décrochent à leur tour pour regagner la scierie en marche arrière. Il n'est pas recommandé de montrer ses fesses dans ces cas-là ! L'opération a pleinement réussi mais les chleus continuent à nous assaisonner tant qu'ils peuvent. Nous reculons le char sur le côté de notre maison, notre boulot étant terminé. Nous allons refaire le plein de munitions et Navarro part chercher les premiers obus. Lorsqu'il revient, il est soufflé par une explosion de 88, lâche ce qu'il transportait et se retrouve... dans la cabane en planches qui est au fond du jardin. Vous savez ? La cabane qui sert à... Il n'a rien compris de ce qui lui arrivait, le pauvre Navarro, il n'a aucune blessure et il a eu de la chance de ne pas tomber dans le trou la tête la première. Il arrive au char, très pâle, tremblotant et bégayant : - Ah ben ! Ah ben ! Les salauds, les fumiers, ils m'ont foutu dans les chiottes !»

Durant ces longues semaines de guerre de position, les bombardements vont faire partie de la vie quotidienne des habitants proches du front. Pendant près de huit semaines, Champagney et ses hameaux vont être pilonnés par l’artillerie française où 115 villageois vont perdre la vie. Un grand nombre d’habitations vont être détruites ou sérieusement endommagées. Chaque tentative ou mouvement suspect de l’ennemi est immédiatement sanctionné par un pilonnage de la part des batteries positionnées autour de Ronchamp, dans les hameaux, sur l’axe Malbouhans-Mélisey ou à La Côte. Parfois l’artillerie française envoie quelques obus, un peu à l’aveuglette, pour essayer de révéler les positions ou les batteries allemandes.

Col de la Chevestraye Emplacement abris Vestige vieux fourneau Vestige crash avion forchette allemande Tranchée allemande
Emplacement abris Blanchiment Dépôt munitions Dépôt essence Anciennes écuries Guérite blindée
Opération commando la cabane au fond du jardin marius Poupry Citation De Gaulle Citation marius Poupry Sherman 2e RC

L'ÉVACUATION DE LA POPULATION RONCHAMPOISE

Vers le 15 octobre, les autorités militaires invitent la population à évacuer la zone de front. Ronchamp sera presque vidé de ses habitants. Les familles vont s’installer dans les villes et villages déjà libérés : Lure, Vesoul, Pusey, Melisey, Frotey-les-Lure, Magny-Vernois, etc… Cela explique que seulement 22 victimes ont été recensées à Ronchamp. Cette opération se déroule avec la collaboration des services de la mairie qui établit des documents. Pour beaucoup, cette évacuation rappelle le douloureux et triste exode de juin 1940. Certains partent en tirant une charrette chargée d’objets hétéroclites : couvertures, draps, ustensiles de cuisine, habits, poules, lapins, etc… D’autres emmènent leur chèvre ou leur vache. La 101e Compagnie du Train de la 1re DFL se charge du transport où les bagages sont limités à 40 kg par personne. Un soldat va particulièrement se distinguer dans cette opération : le Caporal-Chef Marius Poupry. Le 30 novembre il obtiendra une citation « pour avoir évacué la population de Ronchamp ». Cependant tous les habitants ne sont pas partis. Un certain nombre continue d’occuper leur maison ou leur logement dans les secteurs très peu exposés aux bombardements. Beaucoup rentreront à la maison après l’offensive du 19 novembre et après l’autorisation des autorités militaires. D’autres ne retrouveront leur logis que début 1945 à cause des dommages causés par les bombardements. Parmi toutes les familles évacuées figuraient celles des mineurs qui logeaient dans les maisons dont le propriétaire était la Société des Houillères de Ronchamp. Ces familles ont dû attendre que la société fasse réaliser les réparations avant de pouvoir réintégrer leur logis. Alphonse Pheulpin, maire de Ronchamp, cite le chiffre de 500 immeubles particuliers endommagés et une douzaine complètement détruits. Au centre-ville, les bâtiments communaux ont souffert des bombardements dont l’église, l’École des Filles et le marché couvert. L’église sera en travaux jusqu’au début des années 1950.

Un autre danger plus sournois menace la population civile : les mines. Dans leur retraite les troupes allemandes en ont semé de grandes quantités dont les « Holzmine » : mines en bois (Schumine42) de la taille d’une boite de sucre et presque indétectables. Elles feront 12 victimes à Ronchamp malgré les mises en garde. Une mine est restée de longues semaines sur un talus au bord de la route de l’Étançon. Le jeune Gilbert Pingand, habitant la maison à coté du Puits VII, l’a ramenée chez lui. Il s’est assis dans le talus bordant la route et ‘’bricolait’’ la mine quand elle a explosé. Il est mort déchiqueté.

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