L'ÉCOLE EN BOIS DE RONCHAMP PAR L'ARCHITECTE LE MÊME |
D'un projet à un autreDès 1930, la construction d'une nouvelle école était déjà sur la table des réunions du Conseil Municipal. Des passages de comptes rendus apportent un nouvel éclairage sur les préoccupations des maires successifs. L'arrivée d'un Maire qui sera conseiller général, député et Ministre a bien servi les intérêts de la commune. Le 17 octobre 1930, le Conseil Municipal se réunit sous la mandature du Maire François Lallemand. Il expose au Conseil : « … que les Écoles du Centre, ont leur plein effectif, et que d'autre part les enfants des faubourgs sont très éloignés de l'école. Pour remédier à ce double inconvénient le Conseil, s'inquiétant de ce cette situation, a envisagé dans une séance précédente la construction d'une école à deux classes à la Section du ''Plain''. Il résulte d'une enquête que ce quartier comprend environ 78 à 80 enfants de moins de 13 ans pouvant représenter environ 65 enfants des deux sexes d'âge scolaire. Ce nombre ne comprend pas le quartier du Morbier où de nouvelles maisons ouvrières s'édifient. » Le 3 mars 1931, il fait une communication à son Conseil : «Par arrêté de Monsieur le Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, en date du 8 février 1931, le commune de Ronchamp est autorisée à construire une école lieu dit ''Le Plain'' et qu'en vue de cette construction il y a lieu d'acheter le terrain nécessaire. Il fait également connaitre au Conseil les pourparlers engagés avec M. Poivey Alfred Gustave, cultivateur à Ronchamp, qui accepte de vendre à la commune un champ situé lieu dit ''Le Plain'' d'une contenance de quarante trois ares treize centiares, cadastré Section 2. » Le 3 janvier 1936, le nouveau Maire L.O. Frossard informe son Conseil « … que le projet de groupe scolaire à édifier à la section du Plain, et qui avait été décidé en 1931, a dû être abandonné, en raison du nouveau programme de Grands Travaux établi par la Municipalité actuelle, et qui comporte également un groupe scolaire dans le même quartier mais sur d'autres bases. » De Paris à RonchampL'exposition internationale de 1937 à Paris sur plus de 100 hectares a permis à la municipalité ronchampoise d'acquérir un ''Foyer Communal'' et de le transformer en salle des fêtes (voir le page : http://www.abamm.org/expoparis.html ). Le Maire de Ronchamp, L.O. Frossard, 7 fois Ministre de juin 1935 à mars 1940, a sans doute rencontré l'architecte Jaques Henri Le Même lors des inaugurations, des réceptions ou des ''déjeuners d'affaires''. Le Maire a sans doute usé de ses relations pour passer commande d'une ''École en Bois'' à l'architecte Le Même qui a été l'architecte du Palais du Bois érigé sur le Quai d'Orsay. L'École en bois n'a jamais fait partie de l'Exposition des Eaux et Forêts dont la direction avait été confiée au Sous-Secrétariat d'État à l'Agriculture André Liautey. L'école en bois a été édifiée en 1938 sur les plans de l'architecte Henri Jacques Le Même. Le compte rendu du Conseil Municipal du 1er aout 1938 dit ceci : « Sur la proposition du Maire et après l'avoir entendu, le Conseil, autorise le Receveur Municipal à encaisser la somme de Deux cent cinquante mille francs (250.000) que le Ministère de l'agriculture a attribuée à cette commune à titre de subvention et en vue de la construction d'une école en bois. Cette somme devra exclusivement être affectée à la construction de l'école en bois dont les plans, devis et cahiers de charges ont été dressés par M. Henri Jacques Le Même, architecte du Ministère de l'agriculture, à Megève (haute Savoie). Ces plans sont acceptés par la commune et par l'Inspection des Eaux et Forêts sous le contrôle de laquelle ils seront exécutés. » « Le Maire rend compte qu'il a pris l'initiative de faire construire une école en bois comprenant 2 classes sur le terrain communal, rue de l'Est, avec aménagement du terrain avoisinant. La dépense sera couverte au moyen de subventions provenant du Ministère de l'agriculture, Direction Générale des Eaux et Forêts et ne grèvera en rien le budget communal.»« Le Conseil demande la dispense de production d'un marché pour le transport par péniche de la salle de fêtes. » « Le maire rend compte au Conseil qu'il a pris l'initiative, après entente avec M. le ministre de l'Agriculture, de faire installer sur le terrain communal, rue de l'Est, une école en bois, comportant deux classes, filles et garçons, destinée aux grands élèves de Ronchamp. L'embellissement des abords de cette école, de la salle des fêtes est envisagé ainsi que la place Jean Lagelée ; les plans et devis étant établis pour l'école, les travaux des fondations vont immédiatement commencer. Le Conseil approuve, remercie et félicite le maire de son initiative. » Le 6 octobre 1938, le Maire annonce que « L'école en bois nécessitée par l'augmentation du nombre des élèves sera pourvue de tout l'aménagement moderne d'une école et pourra être ouverte en novembre. Les autres travaux seront poussés activement et en plus des divers aménagements terrains et salle des fêtes la construction du stade sportif sera accélérée. » Le 5 novembre 1938, L.O. Frossard rend compte à son conseil que « … la nouvelle école en bois est sur le point d'être terminée et qu'il en envisage l'ouverture le 1er décembre 1938. Cette école comprendra une classe des garçons et une classe des filles, Cours du Certificat d'Études. Une classe complémentaire de garçons sera crée au Centre. Les travaux de construction de la salle des fêtes, école en bois, bains douches, stade sportif, et divers aménagements étant terminés, il en envisage l'inauguration le dimanche 27 novembre 1938. Seront compris dans cette inauguration le nouveau pont et la rue d'Amont. Cette inauguration sera placée sous la présidence du Ministre de l'agriculture. » Henri Queuille, nouveau Ministre de l'agriculture, inaugure les aménagements le 18 décembre 1938. L'école en boisC'est une construction entièrement en bois qui abrite deux salles de classe séparées par un pavillon central comportant les deux entrées et deux sas (vestiaires et lavabos) coté nord et les WC et un préau coté sud. À noter la très forte pente (environ 60°) du toit à quatre pans, typique des régions montagneuses où les chutes de neige peuvent être importantes. Les tuiles ont été fabriquées par l'entreprise ''Jeandelaincourt'' du village de Jeandelaincourt (54114) en Meurthe et Moselle. Les façades extérieures sont recouvertes d'une mosaïque de bois semblable et traitée en losanges, en chevrons et en bâtons. Cette décoration extérieure rappelle celle du ''Palais du Bois'' de l'exposition de 1937. Dans cette école à deux classes, les garçons occupaient celle de gauche. Ce n'est que dans la décennie des années 1960 que la mixité se généralise. Il a fallut attendre la loi dite ''Haby'' du 11 juillet 1975 qui a rendu la mixité obligatoire dans l'enseignement primaire et secondaire. Dans chaque classe le chauffage était assuré par une chaudière à bois (peut être au charbon de Ronchamp) et un réseau de tuyaux noyé dans les dalles pour le chauffage par le sol. Le sol est revêtu d'un carrelage rouge brique parsemé de noir suivant la technique de « l'opus incertum » qui consiste en un revêtement de sol composé de morceaux de carrelage cassés et posés de façon aléatoire.L'accès au porche se fait par 3 marches en béton où toute la longueur de l'édifice est soulignée d'une dalle en béton rouge d'un mètre de large avec de faux joints. Les systèmes de purge (2 par salle) étaient installés dans les cloisons et accessibles par une trappe depuis l'intérieur. À noter que le plafond des salles se situe à 3,80 mètres. Plus tard, vers 1973 le chauffage était assuré par deux ''fourneaux'' à fioul alimentés par une cuve enterrée dans la cour sud. Témoignage sur l'école primaire du centre dans les années 1930Dans la page consacrée au ''Foyer Communal'', nous avons fait connaissance avec Lucie Billerey, née Bichet en 1926, avec le programme d'une fête scolaire le 15 juillet 1939. Elle a conservé ses cahiers scolaires des années passées à l'école primaire ; la maternelle dans le bâtiment de la Poste, l'école des filles derrière l'actuelle Mairie et l'École en Bois qui est en cours de restauration depuis mars 2021. Ces cahiers contiennent de précieux documents; ils donnent un aperçu de ce qu'était le travail des élèves du primaire avant le 2e conflit mondial. Elle habitait au 12, passage de l'Industrie (aujourd'hui rue Paul Strauss) avec ses parents et ses deux frères (sa soeur aînée avait déjà quitté la maison). Elle a également rédigé tous ses souvenirs durant l'hiver 2015-2016. « Il y avait deux écoles : les garçons d'un côté, les filles dans l'autre bâtiment : celui-ci a été démoli, mais celui des garçons est devenu la mairie de Ronchamp. Mes frères fréquentaient donc l'école des garçons. Les instituteurs s'appelaient Drouhin, Frechin et Maillot. Après le certificat d'études, ils sont allés travailler à l'usine Bruey-Vaquier, où papa était lui-même. Il y a terminé sa carrière à 74 ans, comme contremaitre. Quant à moi, après la maternelle dans l'immeuble des Postes, je suis arrivée en "3e" (donc CP) avec Mlle Ossédat, puis en "2e" avec Mlle Parisot. On m'a fait monter en "1ère" à 9 ans vers Mme Navarre : elle avait normalement des élèves à partir de 10 ans, jusqu'au certificat à 12 ans, et puis elle a dû les garder jusqu'à 13 puis 14 ans pour suivre la loi (à part celles qui partaient au Cours complémentaire de Champagney). Dans cette classe où j'étais la plus jeune, il y avait Bernadette Démésy, fille du médecin (épouse plus tard du Dr Maulini), Césarine Sempiana (épouse d'André Beurier), J. Renaud, fille du directeur des Postes … sans doute nées en 1922 ou 23.» « Mme Navarre était une institutrice formidable, sévère, mais très compétente. Et j'aimais ses leçons, que ce soit d'histoire, de géographie ou de science, toujours accompagnées de souvenirs ou de maximes. Elle parlait aussi bien des grands crus bourguignons que de la "marmite norvégienne", c'était toujours extrêmement intéressant. Ses cours commençaient toujours par une leçon de morale ; la classe était très disciplinée. Elle était veuve de guerre et avait une fille, Monique. Quand j'ai eu 11 ans, elle m'a fait passer les épreuves du Certificat que mes voisines de 12 ans avaient subies. Et j'aurais été reçue !» «On avait des semaines de "service", c'est-à-dire que lorsque c'était notre tour, nous devions aller chercher du bois au grenier au-dessus et allumer le feu dans le grand poêle ; on devait aussi essuyer le tableau noir, les tables (à deux places) et les bancs, et passer un peu d'eau sur le plancher pour enlever (ou coller) la poussière ! Et cela avant de commencer les cours. Le jour de congé était le jeudi, car on avait école aussi le samedi. À douze ans, c'est le certificat d'études. Arrivée à Champagney – chef-lieu de canton – en tram. L'écrit était le matin, et l'oral l'après-midi : récitation : tirage au sort. J'ai eu "Les Semeurs", je le savais bien ; chant : la Marseillaise ; et aussi de la couture. Et le soir même on savait les résultats : reçue 1ère du canton. Papa était heureux, "il s'y attendait" ! Les lauréats du Certificat en 1937 ont eu en récompense un voyage à l'Exposition universelle de Paris ; en 1938, cela n'a été qu'une excursion à Gérardmer, en car, par la Feuillée Dorothée, et une promenade sur le lac. L'hôtel était tenu à cette époque par Bernadette Démésy, la future épouse du Dr Maulini.» (Collection R. Billerey) Un journal quotidien, ''L'homme libre'', du 31 juillet 1937 dont le fondateur est Georges Clemenceau et le Rédacteur en chef L.O. Frossard, relate l'heureuse initiative du Maire de Ronchamp. « C'est à ce dernier titre qu'il avait décidé d'offrir trois jours de promenade touristique à Paris et à l'exposition aux quarante meilleurs élèves de sa ville. Ceux-ci sont arrivés à Paris, conduits par M. Frossard en personne et par leurs instituteurs. Ils ont été reçus au Palais du Bois par M. André Liautey, député de la Haute-Saône, sous-secrétaire d'État à l'agriculture. Au cours de leur séjour ils ont été reçus notamment aux Grands Magasins du Louvre, et au Petit Parisien. Vendredi ils ont passé la journée à Versailles. Ce matin ils repartent par les cars mis à leur disposition par le sous-secrétaire d'État à l'agriculture. Nous avons eu l'occasion de les interroger hier à leur retour de Versailles. Ils étaient ravis, parlant tous de Paris et de ceux qui les avaient reçus dans des termes émouvants et pleins de gratitude.» (Source Gallica.bnf.fr). L'école est inaugurée le 18 décembre 1938 en même temps que le ''Foyer Communal'' (Salle des Fêtes). |
En 1945 il n'y a pas eu d'école jusqu'à Pâques où seule l'institutrice Mme Navarre faisait l'école dans sa cuisine pour une poignée d'élèves. Cette institutrice, née Hélène Trahin, avait épousé en 1921 Louis Navarre, militaire de carrière (dans les troupes coloniales) et blessé de guerre (1888-1922). En 1946-1947, les filles allaient à l'école dans un bâtiment préfabriqué installé à coté de l'école en bois (coté Est). Il est probable que l'école a subi quelques dégâts pendant la guerre avec les bombardements et qu'une fermeture de l'école était nécessaire pour sa remise en état. La rentrée 1947 s'est effectuée dans l'école en bois où exerçait Mme Navarre. En 1953 la grande école primaire est inaugurée. En 1963 il est créé le G.O. (Groupe d'Observation) de Ronchamp pour les classes de 6è et 5è. Deux classes de 5e sont installées dans l'école en bois en attendant la construction du Collège de la Bouverie à Champagney. La tempête Lothar de décembre 1999 fait de gros dégâts dans la toiture où les infiltrations d'eau détruisent une partie des plafonds et de l'isolation. En janvier 2000, le Conseil Municipal prévoit la construction d'une nouvelle école maternelle et par conséquent vote la démolition de l'école en bois. Cette décision est très loin de faire l'unanimité au sein de la population. Ainsi une polémique va éclater sur le devenir de cette école : les uns sont pour la conservation de cet emblématique bâtiment et d'autres pour sa destruction au vu du cout des réparations et de sa réhabilitation. Un article publié par un correspondant local du hameau de la Houillère dans un quotidien a alerté la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Après une recherche auprès de l'institut français d'architecture, il s'est avéré qu'elle avait été construite par un très célèbre architecte, Henri-Jacques Le Même. En février un responsable vient voir l'école et demande au Maire de sursoir à la démolition. Alors, plus question de raser l'édifice ! Il est inscrit aux Monuments Historiques par décret du 9 novembre 2000. Par la suite ce décret sera annulé et remplacé par celui du 10 octobre 2008. Après la tempête de 1999 les tuiles sont remplacées mais l'école ne peut plus accueillir d'enfants ; elle est abandonnée. |
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