L'usine occupée

LA FIN DE LA SOCIÉTÉ MAGLUM

LE CONTEXTE DE LA FIN DE MAGLUM

Ce chapitre n'est qu'un petit résumé sur la fin de la Société Maglum jusqu'à l'arrivée de la Société Gestamp sur le site en 2005. En 2010, cette société quitte Ronchamp pour une usine flambante neuve à Champagney. La trentaine d'années qui a suivi la fin de la deuxième guerre mondiale a été une période de prospérité exceptionnelle ; elle a été appelée les ''Trente Glorieuses''. Elle s'est caractérisée par une forte croissance de la production industrielle, une importante croissance démographique, le plein emploi, l'augmentation rapide du pouvoir d'achat et l'envolée de la consommation de masse. Deux chocs pétroliers auront raison de cette embellie et à partir de 1970-1973, Maglum va devoir faire face à une série de problèmes qui se termine dramatiquement en 1980 pour les 857 salariés du groupe.

  • en octobre 1973, Israël gagne la guerre du Kippour contre ses voisins arabes (Égypte et Syrie). L'embargo des exportations de pétrole vers les États-Unis, vont engendrer une très forte hausse du prix du baril qui a été multiplié par 4. La croissance s'effondre et le chômage augmente en même temps que les couts de production.
  • en janvier 1979, la chute du Shah d'Iran et la révolution islamique dans ce pays, gros exportateur de pétrole, entraine un doublement du prix du baril de pétrole. Ce nouveau choc pétrolier entraine un gros ralentissement de la croissance, donc une baisse de consommation des ménages et par conséquence une diminution de la production des entreprises et une accentuation du chômage. Le 22 septembre 1980, la guerre Iran-Irak débute. L'arrêt des exportations iraniennes provoque de nouvelles hausses de prix du baril avec les mêmes conséquences qu'en 1973.
  • à Maglum, il semble qu'au sein même de la direction, se déroulent des luttes d'influence pour la prise du pouvoir (Raymond Courtot, René Courtot, Jean Courtot, Maurice Trillot, Christiane Trillot, Maurice Passot, Jean Planterose, etc...) Ces coups bas ne sont pas faits pour arranger la conduite d'une entreprise vers l'avenir. Seul le chiffre d'affaires avait de l'importance pour certains dirigeants actionnaires. Petit à petit, les grands constructeurs se détournent de Maglum et recherchent d'autres sous-traitants. La direction n'a pas su prévoir l'avenir ; peut être en diversifiant sa production en se tournant vers d'autres secteurs, rechercher des marchés à l'exportation, travailler sur les nouveaux matériaux (le plastique est de plus en plus présent dans la construction d'une voiture) et surtout moderniser l'outil de production. Tous ces problèmes vont amener la direction à présenter un plan social en 1980 avec suppression de postes.

Le 3 avril 1975, la Direction GÉNÉRALE envoie un courrier à tout le personnel qui l'informe des difficultés de l'entreprise, du chômage et des mesures de licenciements possibles.
MAGLUM - INFORMATION au PERSONNEL
Les circonstances exceptionnelles que traverse notre entreprise, nous font un devoir de donner à chacun les informations qu'il est en droit d'attendre. La situation de l'industrie automobile n'ayant cessé de se dégrader, les programmes qui nous sont confiés par les Constructeurs ne nous permettent plus d'assurer le plein emploi des ateliers de production et nous ne voyons pas d'amélioration prochaine. Nous nous sommes efforcés de tenir jusqu'à la limite du possible pour maintenir le niveau de ressources du personnel salarié. Ceci nous a conduit à constituer des stocks représentant dans certains cas, deux semaines de production. Notre société a perdu beaucoup d'argent en 1974; elle ne peut se permettre d'en perdre en 1975. Déjà nos banquiers nous font des difficultés pour nous avancer les sommes nécessaires aux dépenses de la société (salaires, charges sociales, achats, impôts, etc...) Tous nos efforts tendent à éviter que la société soit déclarée en état de cessation de paiement entrainerait pour l'ensemble du personnel, des conséquences très graves et sans doute imprévisibles. Ceci explique les mesures que nous avons été contraints d'envisager. Vous trouverez sur la feuille jointe quelques renseignements d'ordre pratique concernant les droits du personnel touché par ces mesures. (Ronchamp, le 3 avril 1975 - La Direction Générale)
MAGLUM - Renseignements d'ordre pratique
1 - CHOMAGE PARTIEL Dans la limite d'un plafond de 40 heures par semaine (heures travaillées + heures indemnisées) et de 470 heures par an (heures indemnisées), et dans la limite d'un plafond de ressources ainsi déterminé pour la quatorzaine concernée :
personne seule ...........................................................855.10
avec 1 ou 2 personnes à charge .................................1031.15
avec 3 personnes à charge et plus .............................1156.90
Les salariés atteints par le chômage partiel, reçoivent pour chaque heure chômée à la charge de l'entreprise
.............................3. O0 f par heure au titre de l'aide publique de l'État mais avancés par l'entreprise
.............................2.10 f par heure
............................+ 0, 84 f par heure par personne à charge
Les indemnités de chômage partiel sont ajoutées à la paie de chaque mois.
2- PERSONNEL touché par les mesures de licenciement pour cause économique Les Comités d'Établissement ont été réunis le 3 avril 1975. Une demande d'autorisation de licenciement collectif sera présentée à l'administration dans le délai légal. Ce n'est qu'après réception de l'autorisation de l'administration ou à défaut de réponse de celle-ci dans le délai légal, que les lettres de licenciement pourraient être envoyées. Les membres du Personnel qui seraient touchés par ces mesures, bénéficieraient des préavis auxquels ils ont droit. Ils percevraient à leur départ, en dehors de l'indemnité compensatrice de congés payés, une indemnité de licenciement variable suivant leur ancienneté. Sous réserve de prévenir une semaine à l'avance, les travailleurs qui auraient reçu leur lettre de licenciement et qui auraient trouvé un emploi, pourront quitter l'entreprise sans perdre le bénéfice de leur indemnité de licenciement. Les travailleurs qui n'auraient pas retrouvé un emploi, pourraient bénéficier de l'allocation spéciale de L'Assedic portant leurs ressources à 90 % de leur salaire antérieur, allocation accordée par périodes trimestrielles renouvelables pendant une durée maximum de 365 jours. Toutes facilités seraient données aux travailleurs désireux de suivre un stage de formation susceptible de permettre leur reclassement.

Le 6 avril 1978, le Directeur Général Maurice Passot envoie un courrier à tout le personnel qui s'insurge contre une très forte augmentation du taux d'absentéisme. Á la Maglum, il était d'environ 17% (dont 22% dans les ateliers) alors qu'au niveau national il était d'environ 5% (en 2018 ce taux est d'environ 6%).
RONCHAMP, le 6 AVRIL 1978 - Monsieur, vous avez la chance de bénéficier d'un régime de paiement mensuel ou mensualisé qui vous assure une régularité de ressources et qui est destiné à tempérer les inconvénients d'une maladie grave. Dans bien des cas cette facilité a permis de passer une période difficile. Mais lorsque l'un d'entre vous se sert de cet avantage social pour s'offrir un supplément de vacances payées :
" Il y a ABUS"
C'est un abus vis-à-vis de la communauté de l'Entreprise car l'argent qui est ainsi distribué indument manque pour les investissements nécessaires. C'est un abus vis-à-vis de l'Entreprise car un absentéisme abusif met en cause son existence même. En effet, toute perte de production entraine une diminution des ressources et des rentrées d'argent nécessaires à la communauté (salaires, charges sociales, achats, investissements). C'est à titre provisoire que la Direction a dû prendre les couteuses mesures nécessaires pour ne pas mettre en panne ses Clients ce qui risquait de mettre en cause notre activité future, et donc l'emploi de tous. C'est un abus envers la communauté de travail. En effet, par la faute d'une minorité la Direction risque d'être obligée de prendre des mesures contraignantes qu'elle souhaite éviter. Contre ces abus, nous comptons sur la solidarité de tous car il n'y a plus parmi nous de place pour ceux qui abusent des avantages de la communauté. Nous vous remercions de nous aider dans l'intérêt de tous. (LE DIRECTEUR GÉNÉRAL - Maurice PASSOT)

Un an plus tard, le 3 juillet 1979, la Direction envoie un nouveau courrier qui précise les mesures prises contre les abus des arrêts de travail :
Ronchamp, le 3 JUILLET 1979 - L'avertissement qui a été donné par la Direction Générale en date du 6 Avril 1978 n'ayant pas porté ses fruits, nous avons décidé, après avoir informé et consulté le Comité Central d'Entreprise et les divers Comités d'Établissement, de souscrire un contrat d'assurances pour garantir la couverture de l'absentéisme. Ainsi, un organisme spécialisé prend en charge les indemnités journalières complémentaires dues par l'employeur en cas d'arrêt de travail découlant de maladie ou d'accident. L'organisme d'assurances est mandaté par l'employeur pour effectuer les contrôles médicaux nécessaires. Le médecin examinateur ainsi mandaté par l'employeur n'intervient jamais en matière de diagnostic ou de traitement. Il se contente de constater la justification médicale de l'arrêt de travail. Ces dispositions sont prévues par l'Article 7 de l'accord du 10 Juillet 1970 sur la mensualisation, repris à l'Article 5 de la Convention Collective de la Haute-Saône. Le médecin examinateur peut faire les constatations suivantes :
1- Repos motivé et durée justifiée.
2- Repos motivé mais, au jour de la visite, l'état de santé permet la reprise du travail. Dans ce cas les droits prévus sont payés jusqu'au jour de de la visite.
3-Fausse adresse, absence du salarié. Dans ce cas les paiements sont suspendus à compter du jour de la visite.
4-Refus de contrôle. Dans ce cas les droits aux prestations sont suspendus à compter de la date d'arrêt initial, ou de la date de prolongation.
Nous nous excusons de la gêne que ces dispositions risquent d'apporter à ceux qui sont dans l'obligation d'arrêter leur travail pour cause de maladie ou d'accident. Ils comprendront certainement qu'elles n'ont pour but que de sauvegarder les avantages de la mensualisation.
(M. PASSOT - Directeur Général)

LE DÉBUT DE LA FIN

Le 23 juin 1980, le Préfet Pierre COSTA reçoit Mme Trillot, P.D.G. de la Société Maglum qui l'informe qu'elle allait déposer le bilan. Le 27 aout, le Tribunal de Commerce de Nanterre prononce le Règlement Judiciaire de la Société MAGLUM S.A., dont le siège social est au 21, rue de Chartres à NEUILLY SUR SEINE (92200). Un Administrateur Provisoire de la société a été nommé : maitre Claude Delepine. Il est assisté de deux co-syndics du Règlement Judiciaire. Cette procédure permet, selon un plan arrêté par décision de justice, la sauvegarde d'une entreprise en difficulté, le maintien de l'activité et de l'emploi et l'apurement du passif. Ce plan prévoit, à l'issue d'une période d'observation limitée à trois mois, soit la continuation de l'entreprise, soit sa cession. Lorsqu'aucune de ces solutions n'apparait possible, il est procédé à la liquidation judiciaire qui inclut le licenciement.

À l'annonce du règlement judiciaire le 27 août, la quasi-totalité du personnel s'est mis en grève. Puis l'administrateur provisoire annonce deux cent soixante cinq licenciements, " prix à payer " pour que le seul nouveau partenaire éventuel, la Seim-Rotin de Romans (Drôme) qui accepte de reprendre l'affaire en gérance libre. Dès le lundi soir 1er septembre les trois usines sont occupées. Le 19 septembre 1980, tout le personnel a reçu un courrier des parlementaires de la Haute Saône contenant le rapport complet présenté au Conseil Général par le Préfet Pierre Costa. Voici ce rapport :

AFFAIRE MAGLUM - SYNTHÈSE A LA DATE DU 18 SEPTEMBRE 1980

QUELQUES ÉLÉMENTS D'HISTOIRE

Sans remonter trop loin dans l'histoire de cette entreprise, il convient de dire qu'elle n'a pas su bénéficier du ''boum'' qu'a connu l'industrie automobile. Ses dirigeants n'ont pas su ou pas pu moderniser leur outil, à un moment où PEUGEOT, le principal client, connaissait un essor important. Le taux d'absentéisme était particulièrement élevé. Il atteignait, selon les derniers chiffres de la direction, une moyenne générale de 17%, alors que celle des ateliers proprement dit atteignait 22%. Pendant plusieurs années, et tout particulièrement depuis l'automne dernier, cette entreprise n'a survécu que grâce aux commandes du groupe PEUGEOT PSA (Peugeot & Citroën) qui adsorbait 70% de sa production. Le 23 Juin dernier, j'ai reçu Madame TRILLOT, Président Directeur Général de la Société MAGLUM, venue m'informer du fait que son entreprise allait déposer son bilan. Je n'ai pas manqué à cette occasion de manifester à la fois ma surprise et mon mécontentement et j'ai invité Madame TRILLOT à renoncer dans l'immédiat à cette solution extrême, lui faisant part de mon souci de trouver un partenaire susceptible de reprendre l'ensemble des activités et capable, de ce fait, de maintenir non seulement le tissu industriel, mais aussi l'emploi.

MISE EN ŒUVRE D'UN PLAN DE REPRISE

Il convenait d'entreprendre immédiatement deux actions complémentaires. Il s'agissait en effet d'obtenir, des pouvoirs publics et des clients, des assurances et des moyens financiers, pour que l'entreprise, gravement menacée, puisse poursuivre son activité jusqu'à la mise en place d'une solution de reprise et pour que le paiement des salaires du personnel soit assuré. Je me suis donc immédiatement tourné vers les services publics concernés, ayant pris des contacts téléphoniques et physiques avec la DATAR, le Ministère de l'industrie (DIME) - au niveau du Cabinet et des Services - le Premier Ministre - niveau du Cabinet - et le CIASI. Parallèlement, j'ai noué des relations avec RENAULT, au niveau du Secrétaire Général du Groupe et avec PEUGEOT, au niveau de la Direction des Achats, du Directoire et de son Président, M. PARAYRE. J'ai obtenu des uns et des autres à la suite de négociations dominées par un esprit de compréhension, que soient faites les échéances et les clients ont pris l'engagement, dans le cas d'une reprise sans dépôt de bilan, de consolider leurs créances (je rappellerai pour mémoire qu'à des titres divers, le Groupe PSA était en droit d'exiger à ce titre un remboursement de l'ordre de 750 millions de centimes). PEUGEOT, comme RENAULT, ont accepté de consentir des commandes à un niveau aussi élevé que par le passé et de les régler au comptant, pour favoriser la trésorerie de l'entreprise susceptible de reprendre. J'ajouterai, parce que leur aide a été particulièrement efficace dans ce domaine, que j'ai bénéficié du concours spontané des Parlementaires du Département, qui ont, soit par écrit, soit par téléphone, soit par des contacts directs, largement facilité ces décisions. Toujours dans le même temps, des contacts ont été noués avec les preneurs éventuels, dont je rappelle qu'ils étaient au nombre de 3 :

  • le premier, le moins intéressé, était HUTCHINSON, susceptible de reprendre éventuellement, et dans des conditions qui restent encore à définir, l'usine de GIROMAGNY.
  • le second, HAPPICH, manifestait un intérêt limité à CONFLANS-SUR-LANTERNE. J'ai reçu longuement ses responsables et je les ai invités à préparer une offre globale de reprise des trois usines. Á ma demande, ils ont effectué l'étude dans un délai très bref et cette étude a malheureusement confirmé leur première intention : ils m'ont en effet indiqué qu'ils n'étaient toujours intéressés que par l'usine de CONFLANS et qu'ils ne voyaient pas comment celle de RONCHAMP pourrait trouver preneur.
  • tout en négociant avec HAPPICH, j'ai discuté avec les Dirigeants de la SEIM ROTIN, seule Société intéressée par la reprise des trois usines et susceptible de la mener à bien. Ils ont demandé, et c'était normal, que des délais leur soient accordés pour étudier la solution définitive et ils m'ont indiqué que l'étude approfondie, à laquelle ils s'étaient livrés devrait leur permettre une reprise globale assortie d'un certain nombre de licenciements. Leur conclusion disait notamment que le chiffre d'affaires prévisible ne permettrait de maintenir que 520 emplois, mais que compte-tenu de leur confiance relative en l'avenir, ils partaient d'une hypothèse de chiffre d'affaires plus élevée qui leur permettrait de conserver 600 emplois. J'ajoute qu'au dernier jour de la négociation et pour tenir compte des cas sociaux particulièrement douloureux, la Direction de la Société a accepté un effort supplémentaire prévoyant le réembauchage de 30 licenciés, ce qui portait le chiffre total des emplois maintenus à 630 et ramenait le chiffre des licenciements effectifs à 227.
Médaillés Médaillés du travail Crue du Rahin 1970 Vue aérienne bâtiments Meeting CGT Réunion syndicale
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LA SOLUTION À COMPTER DU 27 AOUT

La décision prise par le Tribunal de Commerce compétent rendait impossible la reprise sans dépôt de bilan. Un Administrateur provisoire était désigné par le Juge, qui indiquait, alors que pour qu'une solution globale puisse être mise en œuvre, il était absolument nécessaire :
- que le preneur puisse être rapidement en possession de l'outil.
- qu'avant même la signature de la Convention avec la SEIM ROTIN, l'activité reprenne, faute d'aggraver la situation financière et de diminuer les chances d'une reprise sérieuse.
Cette double exigence était justifiée par la nécessité d'une part, de ne pas aggraver la situation financière, d'autre part, d'éviter que les deux principaux clients, dont les chaines de fabrication courraient le risque d'être partiellement au moins bloquées par les grèves des personnels des ex-sociétés MAGLUM, ne s'adressent pas à d'autres fournisseurs. Ces préoccupations de l'Administrateur provisoire étaient pleinement partagées par la seule entreprise susceptible de reprendre globalement toutes les activités de la MAGLUM, à savoir la SEIM ROTIN, qui avait hâte que s'effectue la reprise du travail dans une entreprise restructurée et qui craignait que ses clients potentiels - qui lui consentaient un niveau de commandes intéressant et des conditions financières satisfaisantes - ne s'adressent à d'autres fournisseurs. Soucieux d'aboutir rapidement à la mise en place d'une solution crédible et durable, mais aussi soucieux d'examiner des solutions nouvelles favorables au maintien de l'emploi, les responsables de la SEIM ROTIN ont accepté d'examiner dans la nuit qui a précédé la tenue des comités d'établissement les propositions tardives, identiques, bien que non concertées, faites par la C.F.D.T. et la C.G.C. Ils m'ont dit ne pas pouvoir l'accepter sans hypothéquer gravement l'avenir de l'entreprise.

LES CONTACTS AVEC LES SYNDICATS

Ils ont été très nombreux au plan départemental. Je rappellerai que j'ai réuni moi-même les syndicats, après mes contacts parisiens, le 7 JUILLET : participaient également à cet entretien, le Directeur Départemental du Travail et des élus (Parlementaires, Président du Conseil Général et Conseillers Généraux concernés). Je leur ai dit à cette occasion ma détermination d'aboutir à une solution globale et de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour sauver le maximum d'emplois. Le Secrétaire Général, en mon absence, a lui aussi reçu les syndicats, les 26 et 29 AOUT et le 3 SEPTEMBRE. Je les ai moi-même à nouveau réunis dans la soirée du 11 SEPTEMBRE pour leur confirmer ce qu'ils savaient déjà par le biais de contacts téléphoniques et de rencontres avec le Directeur Départemental du Travail : que si aucune décision de reprise du travail n'était prise par le personnel avant le 13 SEPTEMBRE, les 600 personnes susceptibles de garder leur emploi recevraient une lettre de licenciement. Je leur ai également indiqué ce soir là que l'intérêt bien compris de l'économie de la région et des travailleurs passait par le maintien de 600 emplois, auxquels il convenait d'ajouter les annulations de licenciements des cas sociaux les plus douloureux. Je suis même allé jusqu'à souligner que l'intérêt bien compris des organisations syndicales elles-mêmes passait par cette reprise de la MAGLUM par la SEIM ROTIN, puisqu'en cas de licenciements collectifs, si des preneurs se présentaient ils ne seraient plus astreints d'aucune règle pour l'embauchage de leur personnel et qu'ils n'auraient plus en face d'eux, pour négocier, aucun délégué syndical. Je leur ai exposé, en sept points, les mesures prises pour aider financièrement les licenciés et faciliter leur reclassement ; ces mesures ont été ensuite développées par le Directeur Départemental du Travail.

Le 12 SEPTEMBRE, dans la matinée, c'est-à-dire le lendemain de cette réunion, j'ai confirmé aux trois organisations syndicales concernées, la CGC, la CFDT et la CGT, les propos que je leur avais tenus la veille. J'ai même, pour répondre à des propositions de la CGT qui me sont parvenues le même jour à 14 H, expédié à son intention un télégramme répétant que la meilleure solution possible pour le présent et pour l'avenir, était celle proposée par la SEIM ROTIN. Monsieur RUIZ, Délégué CGT de l'usine de RONCHAMP, a reçu ce télégramme au cours d'un meeting tenu par son organisation : s'il en a pris connaissance, il n'a pas jugé utile de le lire aux membres du personnel présents.

TÉLÉGRAMME ADRESSÉ PAR M. LE PRÉFET Le 12 Septembre 1980 à 11 H

Hier soir, à l'occasion d'une réunion que j'ai tenue avec les représentants de l'ensemble des organisations syndicales concernées par l'affaire MAGLUM et en présence du Directeur Départemental du Travail et de l'Emploi, j'ai été amené à vous indiquer qu'en raison des échéances judiciaires d'abord telle que fixée par la décision du Tribunal de Commerce, économique ensuite puisqu'il s'agit du terme arrêté par les responsables de la SEIM ROTIN - , 600 lettres supplémentaires de licenciements seront expédiées le 13 Septembre en l'absence de reprise immédiate de l'activité dans les trois usines avant cette date Après avoir pris ce matin de nouveaux contacts, je ne puis que vous confirmer ces informations. Il est donc très important que la totalité du personnel le sache et soit consultée au cours de cette journée. J'ajoute qu'il est, à mon sens, capital pour la sauvegarde de 600 emplois qu'il décide de la reprise du travail. Votre rôle de défenseur des salariés ne peut, je pense, que vous conduire à les y inciter. (Pierre COSTA - Préfet de la Haute-Saône)

  • DESTINATAIRES:
  • M. Jean-Pierre CREUX, 3 rue Thiers - 70 CONFLANS SUR LANTERNE
  • M. Pierre LALLEMAND, 37 allée de la République - 70 RONCHAMP
  • M. Jean-Michel GILLET, 1 rue Siblot - 70 LURE
  • Section syndicale C. F. D. T. Usine MAGLUM - 70 CONFLANS SUR LANTERNE
  • Section syndicale C. G. T. Usine MAGLUM - 70 RONCHAMP
  • Union Départementale C. G. C. Centre Benoît Frachon - 90 BELFORT
  • Société ALSTHOM A l'attention de M. BEY Secrétaire UD-CGC 90 BELFORT

TÉLÉGRAMME ADRESSÉ PAR M. LE PRÉFET le 12 Septembre 1980 à 15 H 25

Á M. RUIZ, Responsable Syndicat C. G. T. Usine MAGLUM - 70250 RONCHAMP
Je reçois à l'instant votre lettre de ce jour, me demandant une réunion pour discuter des solutions qui sont proposées par la C. G. T. Je vous rappelle que je vous ai indiqué hier, au cours de la réunion inter-syndicale, que la solution proposée par la SEIM ROTIN est la seule qui ait le mérite d'exister et de garantir un emploi stable à 600 salariés. Sans ce preneur, dont je vous rappelle une fois encore qu'il est unique, 600 licenciements supplémentaires seront signifiés demain pour faire suite à la décision du Tribunal de Commerce et à l'impossibilité de la SEIM ROTIN d'attendre plus longtemps une acceptation de sa proposition par le personnel. Je récuse avec force votre double accusation qui consiste à dire d'une part que je sacrifie 857 salariés, et à laisser supposer d'autre part que je me livre à un quelconque chantage. Je me suis contenté de vous dresser un bilan exact et objectif de la situation, après avoir tout fait personnellement pour obtenir qu'une solution soit mise en place par le seul preneur SEIM ROTIN. Je rappellerai, pour conclure, qu'il me parait très important que 600 salariés retrouvent leur emploi et que l'action à entreprendre pour reclasser les licenciés de l'ex-MAGLUM aboutira beaucoup plus facilement si le nombre des licenciements est limité à 260 que s'il porte sur l'ensemble des personnels. Tous ces éléments que vous connaissez déjà depuis un certain temps devraient vous porter à réfléchir et à agir de telle sorte que cette situation dramatique ait des conséquences limitées dans l'intérêt même des travailleurs que vous êtes chargés de défendre. Il n'existe en effet pas de solution meilleure ni dans le présent, ni dans l'avenir. Pierre COSTA Préfet de la Haute-Saône

QUELQUES REFLEXIONS POUR CONCLURE

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur cette affaire. Beaucoup de gens ont été accusés de n'avoir pas tout mis en œuvre pour que les trois usines de la MAGLUM et l'ensemble de leur personnel retrouvent leur emploi. Je puis attester en tous cas que les Parlementaires ont fait tout ce qui était en leur pouvoir. Je puis attester également que les deux Conseillers Généraux concernés et le Président du Conseil Général ont, à de multiples reprises, appelé mon attention sur la nécessité d'une solution et qu'ils ont été tenus informés très régulièrement de l'évolution de la situation. Je puis d'autre part affirmer qu'une réunion du Conseil Général sur ce dossier n'aurait rien apporté à la solution du problème. J'affirme, aussi, que les pouvoirs publics, dont je rappelle qu'ils mettaient dix-sept millions de francs dans la balance et qu'ils avaient obtenu de la SEIM ROTIN un engagement ferme pour deux ans, et une promesse de rachat des actifs au terme de cet engagement, ont fait tout ce qui était en leur pouvoir. J'atteste enfin que les Dirigeants de la SEIM ROTIN, l'Administrateur provisoire, les clients et particulièrement PEUGEOT, sont allés au-delà de ce qui est habituel de faire en de pareils cas, tant était grande leur volonté d'aboutir.

Je rendrai enfin hommage à la presse qui a publié mes notes d'information sans rien y retrancher et sans retard. Mais, je dirai aussi qu'il est regrettable que des marchands d'illusions soient venus tromper les ex-salariés de la MAGLUM, leur laissant miroiter que la solution au problème de cette entreprise passait non par des licenciements mais par des embauchages, leur laissant espérer que je ne sais quelle médiation au niveau national pourrait dégager une solution meilleure. Si j'ajoute à cela que tel syndicat a refusé sciemment d'apporter aux travailleurs l'information dont il disposait, pour leur cacher la réalité des choses et les empêcher de se prononcer en toute connaissance de cause, vous saurez où se trouvent les vrais responsabilités. Le résultat est que nous nous trouvons aujourd'hui en face non pas de 260 cas sociaux, comme l'avait dit la CGT en refusant le maintien de l'emploi de 600 personnes et le réembauchage de 30 cas particulièrement douloureux, mais en face de 857 licenciés qui deviennent, de son fait, 857 cas sociaux et qui sont en droit de demander des comptes.

L'AVENIR

Comment s'annonce l'avenir, puisqu'il faut bien en parler ? L'usine de GIROMAGNY ne me concerne plus et mon Collègue de BELFORT, qui a suivi avec la même angoisse que moi, l'évolution de la situation, se préoccupe de renouer des contacts avec HUTCHINSON. Pour ce qui est des deux usines de la HAUTE-SAONE, dès que j'ai connu l'échec définitif de la mise en œuvre de la solution de la SEIM ROTIN, j'ai repris contact avec le CIASI et le Groupe HAPPICH, -dont je vous rappelle qu'il n'a manifesté d'intérêt que pour l'usine de CONFLANS-SUR-LANTERNE - et j'ai demandé au Directeur Départemental du Travail de mettre en œuvre les mesures propres à faciliter le reclassement de l'ensemble du personnel ; ce n'est pas sans une certaine amertume que je soulignerai à cette occasion qu'il était beaucoup moins difficile de retrouver rapidement un emploi à 230 personnes que d'effectuer la même démarche pour 857.

Pour être complet, je rendrai compte de la décision prise à l'unanimité par le Comité d'Expansion qui s'est réuni le 17 SEPTEMBRE, de demander au Gouvernement d'intervenir auprès des clients de l'ancienne Société MAGLUM , essentiellement PEUGEOT et RENAULT, pour obtenir d'eux qu'ils reprennent l'ensemble de l'outil et du personnel dans le cadre d'une filiale de leurs deux sociétés. J'ai répondu à M. MAROSELLI, auteur de cette suggestion, que j'avais fait moi-même cette proposition, soutenu en cela par les Parlementaires, et ce, tout au début de mes contacts avec les services parisiens compétents et les clients : cette proposition n'avait pas été retenue.

C'est pourquoi je ne me fais personnellement pas beaucoup d'illusions sur la possibilité d'un pareil montage rendu à mon sens particulièrement difficile par l'existence, sur le territoire français d'autres usines de sous-traitance de l'automobile qui connaissent, du fait de la crise de cette branche de l'industrie, des difficultés importantes. Mais j'ai aussi pris l'engagement de défendre à nouveau cette solution avec les Parlementaires, le Président du Conseil Général et le Président du Comité d'Expansion, étant bien entendu que des négociations plus larges englobant l'ensemble des partenaires sociaux ne pourraient intervenir que si une position de principe favorable était obtenue des clients. Et c'est parce que je n'ai aucune certitude sur la possibilité de mettre en œuvre cette solution, que je poursuivrai les contacts repris avec le groupe HAPPICH et avec toutes les sociétés qui voudront bien faire des propositions de reprise partielle.

Soucieux de ne laisser passer aucune chance de reprise totale ou fragmentaire des anciennes usines MAGLUM, je m'emploierai à les courir toutes. Je m'y emploierai avec acharnement et l'ensemble des pouvoirs publics avec moi, en appelant toutes les bonnes volontés à apporter leur contribution. Je m'y emploierai avec acharnement, en souhaitant que tous ceux qui exercent des responsabilités fassent converger leurs efforts, laissant de côté leurs querelles du moment. Je m'y emploierai avec acharnement, avec tous ceux qui voudront m'aider, sans exclusive, et avec la détermination de ne pas me laisser entraver par ceux qui, au nom de je ne sais quelle idéologie partisane, adopteraient des attitudes contraires à l'intérêt général.

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