L'année 1876 devait orienter d'une manière définitive la vie de Worm. Ses parents résolurent de la conduire à Lourdes pour mettre son avenir sous la protection de la sainte Vierge.
La Saulnaire, 9 Janvier 1877 : « Mes parents viennent de prendre une décision importante : ils vont faire restaurer une maison située à quelques mètres de celle où nous demeurons actuellement, et qu'ils avaient cessé d'habiter depuis un certain nombre d'années. A cette maison on adaptera une chapelle qui aura une entrée extérieure, et où sera transféré le Saint-Sacrement que nous avons le bonheur de posséder depuis quinze ans, dans un petit sanctuaire domestique, à l'intérieur de notre habitation actuelle. »
Samedi, 13 Janvier : «Aujourd'hui est arrivée une très bienveillante lettre de notre archevêque. Il approuve de tout cœur la construction d'une chapelle, promet de venir nous y bénir…»
Vendredi, 19 Janvier : « Hier soir est arrivé mon oncle, le Supérieur des Sœurs de Ribeauvillé, très entendu en constructions. Il a visité avec nous la maison qui doit être réparée et il a pris les mesures de la future chapelle. L'architecte s'est annoncé pour jeudi prochain. »
Lundi, 19 Février : « C'est aujourd'hui qu'on a tracé et commencé les fouilles pour les fondations de la chapelle. »
Lundi, 26 Février : « Sur l'emplacement de la future chapelle se trouvent des tuyaux en terre cuite, qui conduisent les eaux d'une source dans une fontaine à l'usage des ouvriers. Il faut déplacer ces tuyaux. Le fontainier est venu aujourd'hui ; mais le temps est bien froid, bien mauvais, la neige commence à tomber, il est à craindre qu'on ne puisse pas poursuivre ce travail. »
Mercredi, 2 Mai : « Les fondations sont terminées depuis le 21 avril.»
Jeudi 17 mai : « vers trois heures, on posa la pierre d'angle. Ce fut sans cérémonie ; mais nous mîmes dans le creux préparé à cet effet, une petite boite contenant, avec la date du jour, trois médailles : l'une de Paray, l'autre de Lourdes, la troisième de sainte Odile. »
Vendredi 18 Mai : « Avant hier les maçons ont commencé les murailles de notre chapelle. »
Mardi 18 juin : «… on a placé le cintre de la porte ogivale de notre chapelle…»
Dimanche 15 Juillet : « Nous avons fait, mère et moi, deux voyages à Belfort pour acquisitions, et nous avons, les deux fois, passé une bonne partie de la journée chez les Sœurs de la divine Providence, Institut auquel La Saulnaire est destinée. »
Vendredi, 3 Août : « Mon oncle, le Supérieur des Sœurs de la divine Providence, est venu ici lundi dernier, 30 juillet. Nous lui avons exposé le projet de fonder un orphelinat à La Saulnaire et de le confier à ses Sœurs… Notre chapelle va être prête à recevoir sa toiture. »
Mercredi, 15 Août : « Les travaux avancent doucement. La toiture lambrissée attend le campanile et les tuiles ardoisées pareilles à celles du bâtiment d'habitation.
Mercredi, 29 Août : « Hier, fête de saint Augustin, les charpentiers ont monté la petite flèche de la chapelle. »
Dimanche, 16 Septembre : « J'ai trop peu de temps à moi pour beaucoup écrire ; les préparatifs de notre prochaine installation nous donnent de continuels tracas… Je revois, tout en travaillant à l'aiguille, mes études élémentaires, afin de me préparer à instruire les orphelines. »
Mercredi, 3 Octobre : « Hier notre cloche, ma chère filleule Marie-Léonie, a quitté la console où elle était fixée depuis environ un an, contre la muraille de notre habitation, et elle a été transportée dans le clocher de la chapelle récemment construite. »
Vendredi, 19 octobre : « fête de saint Pierre d'Alcantara, on a posé la croix sur la flèche. »
Samedi 17 novembre, bénédiction de la nouvelle chapelle.
Jeudi, 28 Février 1878 : « On a commencé aujourd'hui les réparations du logement qui va devenir l'orphelinat. On abat plusieurs cloisons afin d avoir un dortoir assez grand. »
Vendredi 3 Mai : « Deux enfants nous ont été présentées pour l'orphelinat le 1er mai : l'une, envoyée par M. le Curé de Saint-Barthélemy, a encore sa mère, pauvre veuve dont le travail ne peut suffire à l'entretien de ses six enfants. Eugénie P... est le nom de celle qui deviendra nôtre ; huit ans est son âge. Elle est d'une complète ignorance, ayant passé jusqu'à présent sa vie dans une forêt sauvage. Elle sait à peine former le signe de la croix. C'est une petite brune dont le regard semble être une interrogation habituelle et confiante. L'autre aspirante, venue le 1er mai, est une petite blonde âgée de six ans qui se nomme Rosine G... Elle a été amenée par sa respectable aïeule, munie d'une recommandation de M. le Curé de Mélisey. Hier, 2 mai, une troisième enfant nous a été présentée. Celle-ci est complètement orpheline, elle n'a point connu sa mère, et son père fut écrasé il y a quelques mois par une locomotive. Marie P... a sept ans et demi et habite Champagney.
Dimanche, 19 Mai : « Dans la matinée de lundi, 13 mai, une petite fille d'Aurières, paroisse de Ronchamp, nous fut amenée par son pauvre père, lequel vient de perdre sa femme et se trouve chargé d'une nombreuse famille. Cette enfant se nomme Joséphine D... et elle est âgée de sept ans. »
Jeudi, 30 Mai : « Il y a aujourd'hui quinze jours qu'a eu lieu la cérémonie d'inauguration de l'orphelinat. Tout s'organise peu à peu. Nous n'avons encore que quatre enfants… Parmi nos quatre enfants, l'ainée et la plus jeune sont particulièrement intéressantes. Eugénie, qui a huit ans, se montre naïvement surprise de tout ce qu'elle voit et entend ; elle ne sait pas un mot de français et balbutie timidement quelques phrases en patois… Rosine a six ans ; c'est une enfant dont l'esprit et le cœur sont doués de qualités exceptionnelles, et qu'on a déjà formée à la piété… Rosine a encore son père, mais auprès de ce père il y a une marâtre, laquelle battait l'enfant, la mettait coucher à l'étable ou la laissait seule dans la forêt. »
Dimanche, 23 juin : « Ce soir une cinquième enfant nous a été amenée, envoyée par M. le Curé de Lure. Elle se nomme Pauline, elle a huit ans et demi, et elle est fille d'une veuve. »
1879 : Peu de temps après l'ouverture de l'orphelinat on décida de renoncer à la verrerie… tous les efforts devaient se concentrer sur l'éducation des enfants. » « Pour ne pas diminuer le nombre de leurs protégées, Mmes Worm s'imposèrent de nouvelles privations. Elles renvoyèrent leur jardinier fleuriste, se mirent à confectionner elles-mêmes leurs robes et leurs chapeaux, et redoublèrent de diligence dans les travaux à l'aiguille. » En 1890 il y a 16 élèves dont 14 pensionnaires encadrées par deux institutrices-adjointes brevetées.
«Le 1er novembre 1891, au moment où elle se rendait à l'harmonium pour accompagner les chants de la sainte Messe, Mme Worm sentit un malaise inaccoutumé. Elle eut encore le temps d'appeler elle-même sa fille qui se préparait à la sainte Communion, puis devinant qu'elle allait avoir une attaque d'apoplexie, elle lui dit : « J'ai une attaque, ma pauvre enfant, que vas-tu devenir! » et elle perdit connaissance. » Mme Worm recouvra ses facultés mentales au bout de quelques semaines mais elle était entièrement paralysée du côté gauche. Elle s'éteignait doucement le 27 septembre 1894. M. Worm, malade, s'éteignit au soir du 16 avril 1895. Mlle Marie eut une lourde tâche à accomplir. Son père et sa mère ne lui avaient tracé aucune ligne de conduite pour assurer l'avenir de son œuvre, tout devant être subordonné aux évènements. La fin de l'orphelinat est proche. »
Le 13 octobre 1896, une lettre écrite de Vesoul venait annoncer à tout le personnel de La Saulnaire la triste réalité. Elle quittait la Saulnaire. Sa pauvre église menaçait ruine ; Mlle Marie laissa une somme importante pour la construction d'un nouveau sanctuaire : c'est là que furent transportés les restes vénérés des familles Grézely et Worm (église de Malbouhans de style néo-roman, inaugurée en 1901). Le 25 mars 1897, elle recevait le saint Habit des mains de Monseigneur notre Archevêque, en gardant ses noms d'Anne-Marie, chers à sa famille et à notre Institut.
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En juillet 1912, le personnel de La Saulnaire reçut l'ordre brutal de quitter la chère demeure sous peine d'être expulsé par la force ; on n'eut pas la moindre pitié pour les larmes des orphelines et les protestations des personnes qui s'étaient vouées à leur éducation ; le pauvre mobilier des indigents fut vendu aux enchères, le 25 août ! (Extraits de -Sœur Anne-Marie Worm: religieuse de la Visitation. 1927- Source gallica.bnf.fr)
En janvier 1921 une petite annonce parait dans le ''Petit Parisien'' et ''Le Matin'' pour la mise en vente de la ''Saulnaire'' : -un premier lot comprenant : maison de maitre, autres bâtiments et dépendances, terres labourables, prairies, jardin, bois et étang. Contenance : 8 h. 25 a. 65 c. Mise à prix 18.000F. -un deuxième lot comprenant une forêt dite : La Saulnaire. Contenance 34 h. 65 a. (chêne, charme, hêtre, coudrier et bouleau). Mise à prix 30.000f.
14 décembre 1925 : décès de Sœur Anne-Marie.
Pendant la deuxième guerre mondiale, l'ancienne verrerie a servi de camps de prisonniers à des Indochinois qui faisaient partie de l'Armée Française en 1940. Après le jour ''J'', beaucoup se sont enfuis et se cachèrent dans la forêt et au Plainet ou cherchaient à gagner la Suisse. Il semble qu'une partie des bâtiments a servi d'accueil à une colonie de vacances dans les années 1970. Beaucoup plus tard des bâtiments ont été transformés en maison d'habitation. Dans les années 80(?) un incendie a ravagé l'ancien orphelinat et la chapelle, causé semble-t-il par des squatteurs ou des campeurs. De nos jours des maisons sont habitées.
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