RONCHAMP : DE LA GARE EN 1858 À LA HALTE ''TER'' ET LES DERNIERS TRAVAUX DE 2023

Ligne ferroviaire Paris Belfort

Les travaux engagés sur la voie N°1 entre Ronchamp et Champagney était l'occasion de faire ce petit reportage sur la ligne N°4 et particulièrement sur la gare et son évolution et la nature des travaux entrepris entre 1858 et 2023.

La première ligne de chemin de fer française a été mise en service en 1827. Elle servait au transport du charbon de Saint-Etienne sur une vingtaine de km par la traction chevaline. Le premier chemin de fer expressément consacré au transport des voyageurs fut ouvert en 1837. Il reliait Paris à Saint-Germain, en s'arrêtant au Pecq. En 1842, une loi a fixé les directions des neuf grandes lignes principales du futur réseau qui devaient joindre Paris aux extrémités du royaume, selon une disposition en étoile. Chaque réseau était formé de lignes convergeant vers un axe principal aboutissant à Paris. C'est notamment le cas de l'embranchement de Montereau à Troyes inclus par le ministre dans la loi du 26 juillet 1844 relative à la ligne Paris à Lyon. À cette occasion, la Compagnie du chemin de fer de Montereau à Troyes est fondée le 5 octobre 1844. Ses dirigeants poussent les études et lancent leurs premières commandes. Le tracé part de Montereau, d'une gare commune avec la ligne de Lyon, traverse l'Yonne et arrive jusqu'à Troyes. Ainsi, dès le 8 avril 1848, on pouvait prendre le train de Paris à Troyes.

Le gouvernement prouve alors sa sollicitude à cette Compagnie ; par décret du 27 mars 1852 l'État propose à compter du 5 janvier 1856 la durée de la concession à 99 ans et autorise un emprunt qui servira en partie à payer les dettes à court terme. La compagnie se met alors en rapport avec de grands financiers, et soumissionne un prolongement de Troyes à Chaumont. La Compagnie de Paris à Strasbourg souhaite construire une ligne de Paris à Mulhouse afin de prolonger son flanc sud ; la concession est accordée le 17 août 1853. Cette même année, la Compagnie de Paris à Strasbourg rachète la Cie Montereau - Troyes et devient la puissante Compagnie de l'Est le 28 septembre 1853. Cette même année, une décision fixe l'établissement d'une ligne Paris à Mulhouse ainsi que le principe d'une ligne Belfort à Besançon. Les travaux commencent alors et vont s'accélérer. En 1857, les trains sont autorisés à rouler successivement sur les nouveaux tronçons de Nogent à Nangis en février, de Nangis à Flamboin et de Troyes à Chaumont à la fin avril, de Chaumont à Langres et de Dannemarie à Mulhouse en octobre. La continuité définitive de la voie ferrée entre Paris et Mulhouse n'a été réalisée qu'en 1858 après ouverture des sections de Langres à Vesoul, Belfort à Dannemarie en février et, enfin Vesoul à Belfort le 26 avril. Au printemps, les relations de Paris vers la Suisse via Bâle, étaient définitivement établies.

Les divers aspects de la ligne

Cette ligne Paris–Belfort se déroule sur 491 km dans un contexte géographique quelque peu tourmenté. De Paris à Troyes, elle passe de la zone orientale du bassin parisien arrosé par la Marne, sur le plateau de Brie, puis descend dans la large vallée de la Seine, remontée à travers la plate Champagne. Au-delà, elle remonte l'Aube, épouse à partir de Chaumont le cours de la Marne qu'elle abandonne entre Langres et Chalindrey, dans le décor plutôt aride du plateau de Langres. Le parcours de Chalindrey à Belfort est un peu accidenté, le long des vallées de la Mance, de la Saône, de la Colombine et de petits affluents de l'Ognon. Le tracé de cette ligne est particulièrement sinueux à partir de Chaumont jusqu'à Lure. Le tracé tourmenté a nécessité la construction de plusieurs ouvrages d'art ; 8 viaducs, 14 grands ponts, 7 tunnels qui totalisent près de 5 km dont celui de Genevreuille (621 m) et Champagney (1250 m). À l'origine la section Lure-Belfort ne comportait qu'une seule voie. La seconde voie a été posée en 1861. Tout le long du parcours, les déclivités ne dépassent pas 7 / 1000, cependant les profils sont souvent difficiles pour accéder aux plateaux et pour passer les seuils qui forment les lignes de partage des eaux entre les différents bassins traversés. À l'origine, Paris-Belfort constitue la ligne N° 001 0001 du réseau ferré national. Elle est ensuite numérotée ''ligne 40'' par la Compagnie de l'Est et de nos jours elle est surnommée ''ligne 4'' sur le parcours Paris – Mulhouse. À noter la réfection de la voie entre Ronchamp et Champagney en 1874 et 1875.

Le télégraphe dans le ferroviaire

En 1845 la France expérimente le télégraphe de Samuel Morse avec la ligne Paris-Rouen établie le long de celle du chemin de fer. En 1850, le nouveau président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, prend la décision de développer la télégraphie électrique en France. Il est alors possible de communiquer autrement que par lettre. Dès 1852, des décrets prévoient l'installation du télégraphe dans toutes les préfectures pour les relier avec Paris. Le télégraphe se développe aussi dans les chemins de fer avec la mise en place d'un télégraphiste dès 1858 dans chaque gare pour assurer les mouvements des trains, leur sécurité et la fluidité du trafic. On plante des poteaux le long des voies ferrées équipés d'isolateurs en verre en clé de sol pour accrocher les fils du télégraphe. L'invention du téléphone en 1876 par Graham Bell allait révolutionner les communications. Les PTT installeront des lignes téléphoniques sur le haut des poteaux dont beaucoup sont équipés d'une jambe de force dans les courbes pour compenser la tension exercée par les fils. Pendant des décennies à partir de 1920, ces poteaux vont ''orner'' les bords des voies ferrées. L'évolution des technologies (ordinateurs, satellites, GPS, fibre optique, etc…) va révolutionner les moyens de communication et faire disparaitre ces poteaux. Dans le secteur de Ronchamp Champagney, ils sont supprimés et stockés vers l'ancienne gare de marchandises de Ronchamp en juillet 2019.

La gare de marchandises

Nous avons vu dans un autre chapitre que la Cie des Houillères de Ronchamp s'est plus ou moins associée à la Cie de l'Est en 1858 pour installer un embranchement à 1800 mètres de la gare en direction du puits Saint Charles. Cette gare houillère a été crée pour exporter la houille par le rail dans la région. À coté de la gare des voyageurs, la Cie de l'Est a créé une gare de marchandises. Du côté du talus Nord on a posé deux voies de garage avec des embranchements sur la voie principale N°1 (Paris-Belfort) et de l'autre côté, dans le prolongement de la gare voyageurs, on a également posé des voies ferrées avec un embranchement sur la voie N°2 (Belfort-Paris). À l'extrémité Est de la plateforme on a construit un grand hangar en bois ou l'on pouvait ranger 1 ou 2 locomotives. À proximité de la gare des voyageurs on a construit un petit local ''technique'' sans doute. Plus tard une autre construction voit le jour à l'arrière. Il est probable que cette construction servait aux employés (plusieurs douzaines selon les sources). Au bord des voies, un quai de chargement permettait l'accès direct aux wagons. Dans son prolongement on a construit un hangar en bois avec un avant-toit pour stocker les marchandises ''sensibles''. Dans l'entre-deux- guerres l'activité de fret était assez importante avec les nombreuses entreprises, les commerces, la filature, la houille et le bois de la scierie l'Union Industrielle installée au puits Saint Joseph.

La gare de Ronchamp La gare de Ronchamp La gare de Ronchamp La gare de Ronchamp La gare de Ronchamp La gare de Ronchamp
La gare de Ronchamp L'Hôtel de la Gare L'ancien Hôtel de la gare Loco 140 C27 en 1984 Démolition de la gare Manifestation à la gare
Wagons gare houillère Halte TER Emplacement voie ferrée Grillage de sécurité Utilisation d'un hélicoptère
Rouleaux de grillage Hélicoptère Blugeon Grillage de protection posé La voie ferrée serpente Travaux en 2016 sur le voie 1 Poteau fils téléphonique
Les poteaux démontés Rail de rechange Pelleteuse pour voie ferrée Tronçons d'ancienne voie Traverses en bois Nouvelles traverse en béton
Enlèvement ancien ballast Sol préparé Une bourreuse Matériel de mesure Une bourreuse Une ballastière
Une régaleuse Un ouvrage hydraulique Boulonneuse à moteur Etat des rails avant réglage Fin des traverses béton neuves Serre-joint et éclisse
Vieux rails en attente Nettoyage du site Fixation avant soudure Le procédé d'aluminothermie Allumage mélange Le creuset après soudure
Moule en sable Meulage de la soudure Soudure meulée Anciens quais de chargement Caniveaus en béton Nouveaux câbles
Les quais en préparation Passage sur voies Grille de sécurité Grille de sécurité La halte  TER de Ronchamp Nouveau ballast Champagney

La fin de la gare des voyageurs

Après la 2e guerre mondiale, le transport ferroviaire s'est progressivement arrêté (fin de la mine en 1958, transport par camions, etc…). Les infrastructures seront progressivement démantelées. Dans les années 1980-1990, la gare houillère servira de lieu de stockage de wagons et de locomotives à vapeur. Plus tard les voies ferrées seront enlevées. C'est aussi à cette époque que le Chef de gare parti sans doute en retraite, ne sera pas remplacé. Une polémique a traversé le paysage communal ; que fait-on de la gare ? Certains auraient voulu que la commune se porte acquéreur mais cet achat posait de gros problème de sécurité et de responsabilité. En septembre 1989 la gare est rasée et sera remplacée par une halte TER (Trains Express Régionaux) inaugurée le 11 juin 2005. Une halte est un point d'arrêt dépourvu de bâtiment voyageurs ou de présence permanente de personnel.

Les derniers travaux sur la ligne N°4

Entre le 10 juillet et le 2 septembre 2023 la SNCF a entrepris des travaux sur le réseau entre La Côte et Champagney sur la voie N° 1 qui consistent à :
-renouveler la voie sur 2 km (changement du ballast)
-renouveler environ 8 km de rails
-sécuriser les abords avec le remplacement d'un ouvrage hydraulique vers l'ancienne gare houillère
-aménagement des quais de la gare de Ronchamp
Durant cette période un service de substitution par autobus avait été mis en place sur le relations Belfort-Vesoul et Lure-Épinal. Les travaux, réalisés par une entreprise privée, se déroulaient sous la coupe de la SNCF. Dans un premier temps, des morceaux de voie d'une vingtaine de mètres ont été découpés au chalumeau et empilés sur l'emplacement de l'ancienne gare de marchandises à coté des nouvelles traverses en béton armé. À noter qu'une partie des traverses de la voie N° 1 étaient encore en bois. De longs rails d'environ 400 m ont été déposés de chaque coté de la future voie. Le vieux ballast a ensuite été enlevé et déposé dans des wagons sur l'autre voie. Les nouvelles traverses en béton d'environ 300 kg sont ensuite déposées tous le 60 centimètres par des machines spécifiques plus ou moins automatiques (je n'ai pas assisté à cette opération). Les rails sont alors boulonnés au moyen de boulonneuses à moteur thermique. Un train de wagon de ballast dépose le nouveau ballast dans et autour de la voie à la vitesse de 3 km/h par des goulottes centrales et latérales. Alors une machine intervient : la régaleuse. Elle est équipée de bras latéraux et une sorte de charrue centrale pour répartir le ballast sur toute la largeur de la voie. Elle repassera à la fin du chantier pour le déblaiement et la répartition du ballast. Une autre machine intervient pour compacter le ballast sous les traverses : la bourreuse. Cette machine agit par l'intermédiaire de battes métalliques vibrantes, les bourroirs, qui sont plongées de chaque côté des traverses et qui compriment la couche de ballast par serrage mécanique. Cette double action, vibration et compression constitue le bourrage. La bourreuse peut aussi relever les voies et les déplacer latéralement. Elle s'accroche aux rails et les soulève en même temps que les traverses. Puis on injecte du ballast sous les traverses par l'intermédiaire de marteaux (battes) et on redescend le tout. Cette opération peut être réalisée plusieurs fois jusqu'à l'obtention des spécifications techniques. À noter que chaque rail ne peut être abaissé et que les deux rails sont inclinés vers l'intérieur au 1/20e.

La soudure des rails par aluminothermie

Autrefois les rails étaient assemblés par bouts de 18 ou 36 mètres avec un joint de dilatation. Ce principe d'assemblage générait un bruit au passage des deux bogies sur ces joints ; le ''tactac…tactac…tactac…. Aujourd'hui en France, en sortie des laminoirs, les rails ont une longueur de 108 mètres. Dans de grands ateliers on soude 4 barres élémentaires pour former un rail de 432 m. Ces longues barres dont la souplesse autorise le transport dans des rames de wagons plats spécialement équipés, aussi appelées rames LRS (Longs Rails Soudés), sont ensuite déposées le longs de voies pour être soudées sur place par aluminothermie après leur fixation. Ainsi les rails sont continus sur des dizaines de km, voir plus, notamment sur les lignes à grande vitesse (TGV).

L'aluminothermie est un procédé métallurgique de production de métaux purs, qui met en jeu la réaction exothermique (qui dégage de la chaleur) de divers oxydes métalliques par l'aluminium en poudre (environ 25% de poudre d'aluminium avec 75% d'oxyde métallique). La réaction est déclenchée par la mise à feu du mélange et une fois amorcé le processus ne peut plus être stoppé. La température obtenue est supérieure à la température de fusion des métaux utilisés et approche leur température d'ébullition. Ainsi elle peut atteindre de 1800 à 3500°C selon le métal ou l'alliage utilisé et dure une vingtaine de secondes. On utilise de l'oxyde de fer contenant beaucoup d'oxygène comme l'hématite et la magnétite. Durant ce processus, les électrons d'oxygène contenus dans l'oxyde et dans les pièces à souder, sont transférés vers l'aluminium. Il en résulte qu'après cette réaction ce dernier est oxydé, alors que les oxydes d'origine sont transformés en métal pur, dépourvu d'oxygène, et donc complètement régénéré.

La mise en œuvre est assez simple ; on met les 2 rails nettoyés bout à bout avec un espace d'environ 1 cm, on ajoute les deux 1/2 moules en sable de la forme du rail et on chauffe les 2 bouts de rail entre 400 et 700 °C. Une fois le préchauffage terminé, on place un creuset au-dessus du moule contenant les composés en poudre. Une fois le creuset allumé par une forte chaleur (chalumeau, ruban de magnésium…), le métal liquide coule dans les moules réfractaires via un trou sur le sommet. Le métal remplit le moule et fait fondre les 2 extrémités des rails et tout l'excédent est évacué dans un bac à scories. Après un certain temps de refroidissement, on retire l'excès de métal, puis on meule le rail pour obtenir une finition lisse.

Fin aout, une entreprise locale a redonné un ''coup de jeune'' aux 2 quais. Des barrières de protection ont été ajoutées sous les piliers des escaliers pour éviter de se cogner la tête dans le béton. Le vendredi 1er septembre 2023, les travaux étaient terminés et un train de quelques centaines de tonnes a testé la nouvelle voie l'après-midi et la ligne N°4 était rendue au public le lendemain matin. À noter que le nouveau tronçon de Ronchamp à Champagney est limité à 100 km/h le temps des tests et des vérifications et dans l'autre sens la vitesse est limitée à 140 km/h. Plus tard lorsque tout sera opérationnel, la voie N°1 sera limitée à 140 km/h tandis que la voie N°2 le sera à 160 km/h, dixit un employé de la SNCF.

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